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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/395

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

de l’élément porcin de la ferme ; d’autres enfin préparent le repas du soir, coupent le pain, étalent le beurre sur de larges tartines.

À l’intérieur de l’habitation tout ce monde circule sous l’œil vigilant de la maîtresse de la maison, très bonne, très douce.

Le soir venu, la famille et les serviteurs se réuniront dans la salle commune où se fait la cuisine des maîtres sur un large poêle de fonte, brillant comme du vieil argent, placé dans l’âtre profond de la cheminée à manteau qui a chauffé jadis la grande salle du château. Le repas va être servi. Sur la table ronde des maîtres, fume une soupe grasse et odorante. À quelques pas, la longue table des gens de la ferme est chargée de la marmite remplie d’une certaine soupe dont ceux-ci ne sauraient se passer : une soupe au petit lait et à la farine, avec des pommes douces coupées en tranches et du pain. Pour boisson une décoction tiède de réglisse de bois, préparation répandue en Flandre. Le dimanche on y ajoute une chope de bière.

Et sous la lampe, s’illuminent de satisfaction les faces hâlées de ces rudes travailleurs aux mains calleuses et gercées…

Après le repas, les filles de la maison aident les servantes à enlever le couvert. Les tables sont vigoureusement écurées, tout est remis « à place, » tandis que les chats rôdent en quête de rogatons. Puis le bruit des sabots décroît et s’éloigne du côté où, dans les profondeurs de la cuisine basse, se prépare la nourriture des bestiaux et se fait la cuisson du pain.

Le fermier allume sa pipe pour jouir d’un moment de tranquillité bien gagnée, moment fort court du reste, car il lui faut commencer sa ronde du soir — l’œil du maître, savez-vous ? Mais il n’y a pas à plaisanter ; il doit vraiment donner un coup d’œil à tout, de même que pour les champs le pied du maître rend la terre meilleure, comme l’affirme le proverbe. Pendant ce temps, la maîtresse du logis s’empare d’un travail de raccommodage. Souvent elle se lève pour donner un ordre, surveiller l’achèvement d’une tâche. Les filles se groupent autour d’elle, tricotant ou lisant.

Elles sont instruites ces demoiselles, et gentilles, et bien élevées, et jamais on ne les prendrait pour des fermières, selon les idées généralement acceptées sur les filles nées aux champs. Ces grâces naturelles qu’elles possèdent, cette culture intellectuelle développée en même temps que cette vigueur du corps que donne un travail manuel parfois assez rude, constituent une particularité curieuse qui réclamerait à elle seule le voyage en Flandre.

— Cornélie ! crie le père avant le jour.

À cet appel sonore, presque sévère, qui retentit dans l’escalier, la belle