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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/396

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

jeune fille — c’est l’aînée — ne se le fait pas dire deux fois ; elle s’habille lestement, la journée va commencer par les soins à donner au bétail.

Mademoiselle Cornélie va traire les vaches ; mademoiselle Cornélie se gante néanmoins étroitement et ses mains sont fort belles. Explique qui voudra ces impossibilités !

L’existence d’un fermier flamand entouré des siens, famille et serviteurs, dégage un charme grave et quelque chose de la solennité des mœurs patriarcales. Tout est régulier dans sa maison : les résolutions y sont prises par le chef avec une sagesse extrême et obéies respectueusement. Ce respect devient une soumission touchante lorsque le père décide par exemple, que son fils aîné étudiera dans les villes voisines pour devenir médecin, et que son second fils, muni d’une instruction suffisante et formé par des conseils d’expérience, prendra plus tard la direction de la ferme.

Voilà dans quel milieu se trouva Jean le soir même du jour où il avait quitté Cassel en compagnie de Quentin et de Martial.

La ducasse de Bambecque allait commencer et déjà la maison de l’excellent M. Matringhem s’animait d’heure en heure davantage par l’arrivée joyeuse et bruyante de tous les membres de la famille, à qui l’on avait dit en se séparant d’eux à la fin de la dernière fête :

— À la prochaine ducasse !

Les voitures apparaissaient bondées à déborder ; et c’étaient alors des embrassements sans fin, des poignées de mains échangées, des caresses qui claquaient sur les joues fraîches des enfants. Puis tout ce monde se répandait dans les larges pièces préparées pour la parenté et les hôtes qu’elle amènerait ; — des chambres vastes à loger dans chacune d’elles, deux ou trois ménages parisiens, — avec des plafonds coupés de travées d’un chêne foncé et meublées de grandes armoires reluisantes de propreté. Ces hautes armoires s’ouvraient débordantes de linge, les gardes-robes pleines de vêtements annonçaient l’aisance, les lits étaient entourés de rideaux fraîchement blanchis et dressés avec des draps empesés, et tellement raides que Jean, une fois couché, se crut entre deux grandes feuilles de papier glacé et satiné : ainsi le veut la coutume.

Au village, les cloches sonnaient à pleine volée pour annoncer la fête. Elles ne cessèrent que lorsque le couvre-feu leur imposa silence. Quelque gais fredons parvenant jusqu’à la ferme disaient assez que la ducasse était en réalité déjà commencée.

Autour de la table principale de joyeux visages rayonnaient. Il y avait des