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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

minois roses, des mentons ronds, de fraîches bouches épanouies, avec des rires, une mutinerie enjouée et jeune. La bonne humeur de tous, se communiquait enfin au petit Parisien, qui en oubliait un moment ses soucis.

Tout à coup, une voix forte venue du côté du pont fit entendre une chanson de circonstance.

— C’est l’oncle Coudeville ! crièrent les convives radieux. Quentin criait plus fort que les autres en reconnaissant cette voix familière.

La chanson disait :

Quich qui veut venir avec mi,
À l’ducasse, à l’ducasse ;
Quich qui veut venir avec mi,
À l’ducasse de min pays ?
— À l’ducasse de min pays ?

L’oncle Coudeville entra, un grand, brun, futur boute-en-train de la fête, le chapeau à haute forme vacillant sur la tête, la redingote taillée à larges ciseaux. Il reprit :

I mangera des tartes à prunes,
À l’ducasse, à l’ducasse ;
I mangera des tartes à prunes…

Le reste — quelque gauloiserie — se perdit dans une explosion de fous rires…

Le lendemain amena son repas traditionnel. La table couverte d’une nappe empesée, était dressée cette fois dans le grand salon, percé de six fenêtres tendues de beaux rideaux de mousseline, et dont les murailles sont enduites d’une claire peinture verte ; moins solide, elle aurait ployé sous les énormes quartiers de viande. Au milieu, la tête de veau de rigueur. Le maître de la maison coupait les gigots, et détachait de larges tranches des délicieux jambons fumés préparés à la ferme ; les femmes de la famille l’aidaient à faire passer les portions jusqu’au bout de la table. Puis cette première tâche remplie, le fermier procéda à la dégustation du vin, que les convives humaient lentement en renversant leur torse — pour en apprécier le bouquet.

Du salon, on apercevait par l’entre-bâillement des portes les cuisinières affairées, tandis que de la salle à manger, où les valets et les servantes occupaient leur table accoutumée, arrivaient des éclats de voix. Ce jour-là, les domestiques voient servir sur leur table de copieux morceaux de rôti détachés des plats de la table des maîtres, d’énormes tranches de jambon ; la bière