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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/502

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

par excellence la ville des lainages : laines cardées, laines peignées, flanelles de toute sorte, mérinos. Cette industrie crée un mouvement d’affaires qui se chiffre annuellement par soixante-dix ou quatre-vingts millions : à peu près ce que rapportent les vins de Champagne. En somme, riche province ! Ce fut le mot dont ils saluèrent la Champagne en lui disant adieu.

Ils franchirent le canal de l’Aisne à la Marne, puis la Vesle, dont ils suivirent la vallée passant par Muizon, Jonchery, Fismes, Braisne, Ciry-Sermoise, et enfin Soissons : trajet d’une heure et demie.

Soissons, ville de la haute Picardie, capitale du Soissonnais et siège d’un comté, aujourd’hui chef-lieu de sous-préfecture du département de l’Aisne, est située dans un vallon agréable et fertile, sur la rive gauche de l’Aisne ; cette place de guerre de troisième ordre est généralement bien percée et bien bâtie. Au moment de la dissolution de l’empire romain, elle devint la capitale d’un petit royaume qui, lors de l’invasion de Clovis, était régi par Syagrius. Après la mort de Clovis, Soissons fut la capitale de l’un des quatre royaumes entre lesquels se partagèrent ses États. La constitution de la monarchie française, devait faire déchoir la fière cité du rang occupé jadis par elle. — Il s’est tenu à Soissons douze conciles.

En 1814, Soissons fut prise et reprise quatre fois par les alliés et les Français. Le dernier siège dura un mois. Les troupes alliées bombardèrent la ville et la forcèrent à capituler. En 1870, Soissons dut encore céder devant la force et se voir occupée par l’ennemi.

De Soissons nos deux touristes revinrent vers Ham en passant par Laon : c’est à Ham que Modeste Vidal et Jean s’étaient rencontrés, et l’artiste tenait essentiellement à « remettre » son jeune ami à l’endroit même où il l’avait « pris ».

La séparation fut des plus cordiales. On fit des projets pour l’avenir et Jean partit pour Saint-Omer.

Il y arriva dans la soirée et se dirigea sans hésitation du côté où trônait la fête, dont il percevait les bruits. Au-dessus de sa tête les nuages s’éclairaient des reflets de l’illumination, et la brise lui apportait les odeurs de la pâtisserie cuite en plein air. Il se trouva bientôt entre une double haie de petits marchands forains, confiseurs, bijoutiers en doublé, parfumeurs, merciers et couteliers, débitants de macarons, de pains d’épices, de galette toute chaude, de gâteaux aux raisins de Corinthe, diseuses de bonne aventure et tireuses de cartes, — appelant les chalands avec de grands éclats de voix, des petites cloches mises en branle, des batteries de tambour, même allongeant la main