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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/557

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

d’un rêve ? Oh ! non ! n’est-ce pas ? Dis-moi bien que cela ne se peut plus ! que tu es bien à moi, et pour toujours, pour toujours…

Et la baronne était secouée par un rire nerveux, spasmodique, douloureux même, et qui ne s’épuisait qu’en amenant de nouvelles larmes sous ses longs cils bruns.

— Tiens, mon enfant, je deviens folle, je crois ! disait-elle en embrassant convulsivement sa fille.

À côté de l’aquarium de Maurice, Sylvia avait établi une volière de petits oiselets des Îles : avant le retour de la jeune fille, la baronne ne s’occupait guère que de ses fleurs et de ses arbustes, et encore y trouvait-elle des motifs de comparaisons et des sujets de regrets. Oui, elles venaient bien ses plantes, soignées par une main maternelle… Dérision ! Et son enfant, la fleur de son âme, végétait loin d’elle… Alors, elle voulait tout laisser mourir, et mourir elle-même après. Maurice s’appliquait à consoler sa mère dans la mesure de ses forces, et donnait une goutte d’eau aux fleurs altérées. Maintenant tout reprenait vie, fraîcheur, santé dans le hall ; et les oiseaux de Sylvia, lorsqu’ils l’entendaient près de la baronne faire d’une voix flutée le récit souvent renouvelé de sa vie aventureuse, se mettaient à pépier et à siffler avec un crescendo auquel il fallait bruyamment imposer silence.

Un jour, madame du Vergier disait à sa fille, en lui montrant les petits oiseaux au plumage de feu, et en souriant :

— Te voilà prisonnière — en cage — comme eux ! Ne regrettes-tu pas quelquefois ta liberté d’autrefois ?

— Oh ! non, madame, jamais ! répondit Sylvia en souriant à son tour.

— Bien vrai ? Mais pourquoi ne pas se défaire de ce mot « madame » qui sonne si mal à mon oreille.

— J’essayerai, maman ; mais c’est difficile… Songez donc !

— Cela viendra tout seul. Vois-tu, au fond, je n’en suis pas fâchée… Moi aussi, il faut que je m’habitue à devenir la plus heureuse des mères après en avoir été la plus malheureuse. Et dire que ce coquin de Jean m’a laissée aller jusqu’aux limites du plus profond désespoir ! et qu’il savait qui tu étais… Oh ! c’est impardonnable !

— Ô madame !… ô ma mère ! Je vous en supplie, tenez moins rigueur à ce pauvre garçon ! J’avoue qu’il semble avoir mal agi, très mal agi… Mais pouvons-nous savoir sous quelle influence ?… Peut-être avait-il lieu de craindre son oncle, qui est un homme rude, allez, et même brutal. Peut-être,