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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/558

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

malgré tout, avait-il un doute… il voulait l’éclaircir avant de vous donner de nouvelles espérances…

— Ah ! oui ! c’est surtout depuis que j’ai cru te retrouver au Havre que ma douleur de mère désolée s’est exaspérée. Jamais je n’avais autant souffert que depuis ce moment-là…

— Vous voyez que le neveu de M. Jacob Risler n’avait pas tout à fait tort. Il faut donc l’excuser, maman, de n’avoir pas eu plus de hardiesse et de décision ; il faut l’excuser en faveur de ce qu’il a fait lorsqu’il a cru l’heure venue. Quelle lettre touchante il vous a écrite ! Comme elle trahit un… bon naturel…

La baronne observait attentivement Sylvia.

— N’importe ! dit-elle ; je le déteste, je le hais !

— Je ne veux pas que vous le haïssiez ! répondit vivement la jeune fille. Excusez ma hardiesse, chère mère ; je voulais dire que je vous demandais avec prière de pardonner à mon pauvre ami Jean !… Grâce à lui, à ses encouragements, à sa présence même invisible, je puis dire aussi, grâce à sa protection, j’ai pu supporter les plus pénibles temps de mon exil loin de cette maison bénie… Et il n’aurait pour récompense que votre haine ! Voyez-vous, ce serait cruel.

— Il ne faut voir là, ma fille, qu’un moment d’humeur… que je regrette ; je ne puis haïr Jean, c’est impossible. Je ne saurais oublier que je l’ai rencontré tout enfant par un hasard que je dois appeler providentiel. Ma sympathie alla à lui, tout d’abord, comme si j’avais possédé la secrète intuition que cet enfant dût occuper une si large place dans ma vie, remplir un rôle si important… Va, je ne le déteste pas, quelque mal qu’il ait pu me faire : je l’aime, ma fille, plus que tu ne l’aimes !

Sylvia devint rouge et balbutia ces mois d’une voix à peine intelligible :

— Je n’ai pas dit que je l’aimais… L’ai-je dit, chère maman ?

— Enfin, tu lui es reconnaissante ?… Et moi aussi ; crois-le bien, ma belle enfant.

Quelques minutes après cet entretien, — qui avait laissé Sylvia un peu troublée et sa mère toute songeuse — Maurice pénétra bruyamment dans le hall. Il courut à sa mère qu’il embrassa, tout en prenant les mains de sa sœur ; puis il embrassa sa sœur en serrant les mains de sa mère, à ce point que la baronne s’écria :

— Eh mon Dieu ! quelle expansion, mon fils ! qu’avons-nous donc à apprendre à sa mère ?