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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/590

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Jean ne se faisait pas illusion : dans le Calvados aux environs de Lannion, sur la croupe d’un coteau, au milieu d’un site pittoresque, entre le Léguer, d’un côté, couvert de ponts, de moulins, bordé de prairies, s’échappant en cascades et qui coule dans une profonde vallée encadrée de collines rocheuses et boisées, et sur l’autre face une deuxième vallée où serpente un ruisseau qui sort d’un étang, s’élève sombre, menaçante, la double enceinte de la forteresse de granit, aux puissants remparts de trois à quatre mètres d’épaisseur.

Plusieurs grosses tours rondes et des tourelles, montrent leur couronnement rasé ; mais l’on y monte encore par des escaliers pratiqués dans les massives murailles ; un donjon occupe la pointe extrême du promontoire qui surplombe les vallées. Ce réduit, séparé du reste de la place, n’était accessible que par un pont-levis venant s’appuyer sur une haute culée en maçonnerie. Et au-dessous, sous cette accumulation de pierres de taille, des souterrains, des cachots, des caveaux sans fond — des abîmes !

Passant à un autre ordre d’idées, Jean regrettait de ne pouvoir accorder une part d’attention aux antiquités celtiques ; à cette Roche aux Fées du Rouvray, près d’Essé, et à tous ces menhirs ou pierres longues, ainsi que disent les Bretons, à tous ces dolmens ou tables de pierre consacrées à ce culte druidique — mystérieux et sanguinaire ; — il s’en trouve à Grabusson, à Retiers, à Cugnen, dans la forêt de Haute-Sève, dans la forêt de Fougères. Dans cette même forêt, s’étendent de vastes souterrains appelés les Celliers de Landéan ; creusés de mains d’hommes, ces souterrains si curieux sont classés parmi les plus anciens monuments historiques de la France.

Qu’aurait pensé Jean s’il eût pu soupçonner qu’il se trouvait aussi dans le monde enchanté des héros romanesques de la Table ronde, du roi Arthus, de Merlin son devin, de maître Keu son malin sénéchal, de Beduier l’infatigable échanson, de Lancelot du Lac et de Tristan, de la belle et fière Genièvre, de la tendre Yseult aux blonds cheveux, de la fée Morgane et de la fée Viviane, créations du génie breton qui ont tenu une si grande place dans notre littérature du moyen âge et dans les littératures de toute l’Europe, vassales en cela de la nôtre. Au sud de Saint-Brieuc, la forêt de Brocéliande couvre de son ombre le tapis de mousse où Viviane retint Merlin endormi en traçant autour de lui un cercle magique ; sur la lisière de la forêt de Landerneau — au delà de cette ville — se hérissait avec ses tours pointues le château de la Joyeuse-Garde où le roi Arthus tenait sa cour. La fable bretonne — offrant une nuance de vérité — a servi de thème à toute une biblio-