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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Inondés ! Je ne le lui fais pas dire ! s’écria le bourgeois de Montauban rayonnant de satisfaction. Inondés par le Gers ! si cela ne fait pas pitié !

— Laissez-moi donc tranquille ! reprit l’Auscitain. C’est à vous que je parle, milord, et à ces jeunes gens, (il désignait Jean et Maurice) pour leur instruction… Nous disons Auch, d’abord, en fait de ville.

— Il y revient toujours ! observa le bourgeois de Montauban.

— Condom, Lectoure, dont la position sur un haut promontoire offre une certaine ressemblance avec la position d’Auch, Mirande sur la rive gauche de la Baïse, renommée pour sa coutellerie… Malheureusement, il ne reste plus de ses fortifications qu’un vieux château en ruines ; il y a Lombez sur la rive gauche de la Save, l’Île Jourdain, qui doit son nom à sa situation dans une île de la Save, elle est située à moitié chemin d’Auch à Toulouse ; Vic-Fezensac, ancienne capitale du comté de Fezensac, sur la Losse, Fleurance arrosée par le Gers, Eauze sur la Gélize, qui fut saccagée par les Goths et les Sarrazins ; il y a Montréal, Casaubon, Aignan…

— Assez ! assez ! cria le baronnet avec force. Assez !

— Il n’est pas poli, cet Anglais, observa l’Auscitain subitement refroidi comme par une douche glacée. Sans effort, il fit adopter tout de suite sa susceptibilité aux deux autres méridionaux.

— Et les hommes ? demanda sir William en mettant les deux coudes sur la table.

L’Auscitain avait bien envie de ne plus parler ; mais il lui en coûtait trop.

— Les hommes… dit-il, ils ont leur mérite. Ainsi ils s’habillent encore comme ils s’habillaient il y a cent ans.

— C’est qu’ils sont arriérés, observa le marchand de fruits secs, prompt à rompre la discipline et à reprendre sa liberté.

— Laissez-moi donc parler ! Leurs vêtements sont tissés avec la laine de leurs troupeaux par des artisans du cru qui fabriquent ces tissus à la main, à tant par aune. Pour économiser la dépense de la teinture, on mêle quelque laine brune avec la blanche. En été ils s’habillent de lin, mais d’un lin semé et cultivé dans leur champ et filé en famille.

» Les femmes de la campagne se montrent aussi raisonnables que leur maris en fait de toilette ; les jeunes filles, seules, ajoutent à leur costume un tablier de cotonnade, un bonnet de toile blanche ou un mouchoir dont elles se font de très élégantes coiffures ; té ! la jeunesse ! Les souliers sont un objet de luxe pour tous ; pas de souliers, des sabots, — excepté le dimanche pour aller à l’église.