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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/702

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

d’où se détachent ça et là des sommets élevés et âpres, au milieu de solitudes profondes.

Les accidents de terrain se présentaient avec une variété infinie : plaines sablonneuses, vallées profondes, fraîches et grandes prairies, eaux abondantes et pures qui alimentent la Loire, la Nièvre, l’Aron, l’Yonne, le Beuvron. Les plateaux et les bassins fertiles situés sur les croupes ou à la base des montagnes portent le nom « d’ouches. » Jean fut frappé du contraste existant entre le mouvement industriel et agricole du val de la Loire, qu’on appelle le Bas-Pays, et l’aspect étrange, les occupations toutes différentes du Haut-Pays ou Morvan. Dans le Morvan, ces ouches, — coins de terre privilégiés, véritables oasis dans un désert de granit, — sont fort recherchés et chèrement payés à cause de leur fertilité.

Le Morvan occupe l’est du département et s’étend vers la Bourgogne. Il comprend la presque totalité de l’arrondissement de Château-Chinon. C’est un pays perdu, formé de montagnes boisées, coupé de filets d’eau, presque sans routes, dans lequel vit une population pauvre.

La principale occupation des Morvandiaux est l’exploitation des forêts. Au seizième siècle, l’un d’eux, Jean Rouvet, imagina d’utiliser les cours d’eau pour le flottage des bois, soit à bûches perdues, soit par trains. Il part annuellement de Clamecy de six à sept mille trains de bois flotté, dirigés par l’Yonne sur Paris et la basse Seine.

L’idée de Jean Rouvet fait vivre le Morvan. Aussi ses compatriotes lui ont-ils élevé un buste sur le pont qui traverse l’Yonne, à Clamecy. Ces braves habitants du Morvan sont extrêmement sobres ; ils ne boivent guère que de l’eau. Ils se contentent pour chaussure de sabots, dont les sabotiers prennent quatre sous de façon par paire.

Cette tournée dans la Nièvre prit plus d’une semaine.

Enfin on retourna à Nevers. Cette ville est bâtie légèrement en amphithéâtre, dans une agréable situation sur la rive droite de la Loire et au confluent de la Nièvre.

Au milieu d’une vaste place, dont la pente descend vers la Loire, s’élève le château des ducs de Nevers.

Ce palais est une des plus importantes constructions féodales du centre de la France. Commencé au quinzième siècle et terminé au siècle suivant, son architecture unit dans une sévère harmonie ce que le moyen âge eut de plus morose et la Renaissance de plus sérieux. Deux énormes tours rondes flanquent les deux côtés de l’édifice.