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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

leaux qui s’élèvent des deux côtés depuis le pied de la montagne jusqu’au sommet elle est d’un aspect des plus saisissants. On comprend que les bruits du monde expirent à cette porte de l’empire du Silence et de la Mort. L’animation n’y est produite que par la chute sourde d’un torrent au milieu du désordre d’un abîme. Le chemin est taillé dans les rochers qui dominent et parfois surplombent cet abîme. Les touristes durent passer le pont de Saint-Bruno, jeté avec hardiesse sur le torrent, et traverser trois tunnels…

Enfin la Grande-Chartreuse se montra à eux dans un vallon formé par l’écartement de plusieurs pics : ses bâtiments sont simples, vastes et nombreux : on dirait un village où tout est bâti au hasard ; le cloître seul est d’un beau style gothique. Chaque religieux a son habitation, se composant d’un promenoir, d’un cabinet de travail et d’une chambre à coucher ; un atelier et un jardinet y sont joints. Les portes de toutes ces habitations indépendantes l’une de l’autre ouvrent sur un cloître immense, dans le préau duquel se trouve le cimetière des chartreux. C’est au fond d’un désert, dans une solitude perdue qu’ils vivent, au milieu du silence ; c’est là qu’ils meurent.

Un père hôtelier reçut les voyageurs et remplit à leur égard les devoirs d’une hospitalité cordiale. On goûta à la célèbre liqueur fabriquée au couvent, et qui donne un revenu annuel d’environ cinq cent mille francs.

De la Grande-Chartreuse ils se rendirent à Chambéry par le chemin de fer.

L’ancienne capitale du duché de Savoie est assise dans une plaine riante et fertile, entre de hautes montagnes, et arrosée par deux rivières. Elle a une cathédrale du quatorzième siècle, le vieux château des princes de la maison de Savoie, un jardin botanique très bien planté. Les costumes d’autrefois ont été conservés, surtout par les gens de la montagne. Les femmes mettent toute leur coquetterie dans la largeur de leur croix d’or et dans la blancheur de leur bonnet.

Le baronnet conduisit Maurice et Jean aux Charmettes, cette humble maison des champs que le séjour de J. J. Rousseau a rendue célèbre ; puis ils allèrent faire une excursion au lac du Bourget et de là visiter Aix-les-Bains, où le chemin de fer les conduisit en moins d’une demi-heure. Une longue avenue de platanes s’étend de la petite ville à ce lac du Bourget, le plus vert des lacs, et qui reflète sur son miroir des croupes chargées de forêts ; beau lac, si admirablement chanté par Lamartine :

Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière…

L’adorateur de miss Kate aimait le poète des Mélodies et de Raphaël, et il