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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/758

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

À une demi-lieue de Rive-de-Gier se trouve le bassin de Couzon, destiné à servir de réservoir au canal en temps de sécheresse. C’est une curiosité que les touristes vont visiter. La hauteur du mur qui ferme ce bassin est d’environ trente mètres, et l’épaisseur de la digue de soixante mètres.

Ils virent Lorette, ses usines et ses mines de houille ; les Rouardes-Grand’-Croix et leurs forges dans le voisinage du mont Pila ; Saint-Chamond, petite ville de 14,000 âmes, située au pied d’une colline, dans la vallée pittoresque où le Janon vient réunir ses eaux à celles du Gier. L’ancien château de ses seigneurs, avec bastions et remparts, domine encore la ville, de ses ruines imposantes.

Jean et son oncle suivaient à peu près, on le voit, le chemin de fer, raccourcissant parfois leur route, et allégeant leur charge en montant en wagon pour passer d’une localité à une localité voisine. Jacob Risler tenait sa promesse : c’est lui qui portait la balle. Il le faisait avec assez de bonne volonté ; mais la brusquerie qui formait le fond de son caractère, se trahissait à tout moment ; et c’était pénible pour Jean. Jacob n’était pas si bien remis qu’il avait pu s’en flatter ; il traînait le pied ; toutefois cette vie honnête lui rendait ses forces.

Dans les centres ouvriers que l’on parcourait le commerce de petits livres marchait assez bien, malgré la crise qui s’annonçait déjà dans le bassin de la Loire, — comme à Lyon — menaçant les deux principales industries de la région : la soierie et la métallurgie. À Saint-Chamond, par exemple, ils trouvèrent des acheteurs de leurs livres à bon marché parmi les mineurs, les ouvriers des forges, les mouliniers de soies grèges et les ouvriers des fabriques de rubans et de lacets.

Après Terre-Noire, — dont le nom indique assez la situation au-dessus d’un terrain houiller, — ils arrivèrent à Saint-Étienne qu’on pourrait nommer sans exagération, la Ville Noire. Saint-Étienne doit cela à ses nombreuses fabriques, à son ciel couvert, à son climat brumeux, à la houille en poussière qu’y soulève le moindre vent ; et à sa brune population de mineurs, d’ouvriers d’usines et de manufactures — et parmi celles-ci, au premier rang, la manufacture d’armes qui occupe de quatre mille à cinq mille travailleurs.

Les maisons de cette ville de 125,000 habitants, affaissée dans un vallon peu profond, au pied de la chaîne du Pila, quoique bien bâties et largement alignées, sont noircies par la fumée du charbon de terre, et leur aspect sévère est loin d’être racheté par une profusion de monuments : toutes les forces