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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Un bon renfoncement sur le chapeau… jusqu’au menton, une vraie « bouite »…

— Té ! faisait l’autre, commence toi-même, que t’as tant de langue…

En ce moment, fort opportunément, surgit un nouveau personnage qui, après une seconde d’hésitation, souleva Jean de ses deux mains, en criant joyeusement :

— Je le tiens ! c’est mon petit Parisien ! Ah ! c’est un bon métier celui de marin pour rencontrer les amis partout, et le père Vent-Debout a du flair quand il n’a pas été passé au tafia. Oui, c’est Vent-Debout, c’est ton ancien, mon garçon !

C’était bien le vieux pilote : il passait par Marseille, faisant du cabotage entre la Ciotat et Cette, et il repartait le lendemain…

Cette rencontre devenait une véritable fête. Son premier effet fut de tenir à distance les mauvais garnements qui complotaient quelque nouveau tour de leur façon. De chaudes poignées de main s’échangèrent entre le pilote et Jean.

— Mais tu es plus trempé qu’un faubert ! s’écria le vieux marin ; tu coules l’eau !

Jean montra la mer, l’Allemand qu’on emmenait, et dit deux mots de ce qui venait d’arriver.

Alors tous les deux à la fois se racontèrent comment ils avaient vécu depuis leur séparation à Calais, — « sans trop d’avaries » en ce qui concernait le père Vent-Debout.

La présence de l’oncle Risler jetait un froid : Jean ne réussit pas à expliquer au loyal Breton comment son ancien persécuteur s’était réconcilié avec lui. Les favoris de « chaloupier » portés par Jacob ne lui revenaient pas.

Toutefois la journée s’acheva gaiement dans une guinguette, au bord de l’eau, où l’on mangea des sardines frites à l’huile. Jean, séché et réchauffé, parla tant qu’il voulut de ses projets d’avenir, et l’on se sépara avec l’espoir de se rencontrer encore « sur le plancher des vaches », avant de « mettre le cap sur l’autre monde. »

L’incident relatif au bain forcé de Hans Meister et au dérangement d’esprit du susdit, avait singulièrement étonné le vieux pilote.

— Tout arrive ! murmurait-il gravement.

Pour ceux qui s’intéresseraient à l’ancien compère de Jacob, à son mauvais génie, — nous ajouterons que l’Allemand, dont l’aliénation mentale ne pouvait plus faire doute, fut rapatrié selon les usages administratifs.

Mais Jacob demeurait frappé de cette étrange rencontre.