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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/795

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

tant les Français du Nord, — surtout lorsque connaissant l’histoire de leur pays et se rappelant les massacres et les destructions qui marquèrent les phases de la croisade contre les Albigeois, ils s’attendent à ne plus trouver partout que des ruines. Il y a des ruines, en effet, mais des ruines aimées du soleil, qui y sème des giroflées, des sempervirens, et fait pénétrer dans les fentes des vieux murs les racines tenaces du grenadier. Ils évaluent naïvement les kilomètres qui les séparent de Paris, par exemple, et sont tout surpris en constatant que, par son climat, ses rochers et ses plaines d’un caractère particulier, ses horizons d’une couleur inattendue, la belle mer bleue qui frange son littoral, ses monuments et son histoire, le Languedoc semble faire partie d’un autre monde que la France.

Cette impression que Jean ressentait fut fortifiée précisément par cette étrange ville de Carcassonne, — mal vue par lui la première fois : au milieu d’une plaine onduleuse et semée de forêts d’un vert pâle, s’élève un vaste rocher sur lequel des tours et des murailles, semblables elles-mêmes à d’autres rochers, brillent aux rayons du soleil comme une apparition de l’Orient, et se détachent en jaune d’or sur le bleu lointain des Pyrénées.

Notre futur explorateur africain passa par Montauban, l’ancienne forteresse huguenote qu’il connaissait grâce à l’éloge fait devant lui par l’un de ses bourgeois — à Toulouse, dans une soirée mémorable qui finit par des coups ; — et de même Agen. Il vit Marmande, port de commerce très fréquenté sur la Garonne et qui compte 9,000 habitants ; il vit la Réole, ville de 4,000 habitants, étagée sur les flancs d’une colline baignée par le même fleuve.

Et Jean, tandis que les wagons roulaient avec bruit, franchissaient ponts suspendus et tunnels, pensait : — C’est un sujet d’inépuisable étonnement que la diversité du sol de la France ! Tout y est représenté : les hautes cimes telles que les Alpes et les Pyrénées, couronnées de neiges, les montagnes volcaniques, brûlées et bouleversées comme celles du massif central, les hauteurs boisées arrondies en dômes comme dans les Vosges ; il y a des vallées et des plaines fertiles ainsi que le Graisivaudan et la Limagne, des prairies herbeuses telles que celles de la Normandie, des jardins et des vergers comme en Touraine, des forêts comme dans l’est et le centre, des terres noyées comme le delta du Rhône, des plages aréneuses comme celles du littoral de la Manche et du golfe de Gascogne, où la dune se meut au gré des vents du large ; il y a des landes stériles et des vignobles fameux…

La France a des côtes développées sur plusieurs mers ; elle a de grands fleuves reliés entre eux par un système de canaux qui permet d’aller de Rouen