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V

Le buron

Mais enfin, Jean avait peur des loups. À son âge c’était bien pardonnable.

Il erra dans diverses directions, tout en faisant le plus de bruit possible, maintenant qu’il n’avait plus à craindre de trahir sa présence. Ce bruit, on le comprend, c’était pour effrayer les loups : il les eût attirés plutôt !

Lorsque le petit Parisien désespéra de retrouver, avant le jour, le chemin suivi depuis Salers par le cabriolet de Jacob, il grimpa à un hêtre. Il avait recouvré en un moment la souplesse de membres et l’agilité du petit paysan vosgien, dénicheur de nids.

En se sentant à cinq ou six mètres au-dessus du sol, Jean ressaisit assez de calme pour envisager sa situation. Elle n’était pas gaie. Il lui fallait avant tout sortir de cette forêt, qui, n’étant ni exploitée pour ses bois, ni visitée par les touristes, n’offrait sans doute que de rares sentiers, en dehors de la route qu’il connaissait. Quand il aurait réussi à sortir de ces fourrés, il s’acheminerait vers Salers, avec l’espoir d’y trouver encore son excellent ami Bordelais la Rose et le bonhomme Abel.

Il s’établit solidement à la première fourche de l’arbre, jambe de ci, jambe de là, comme s’il eût été à cheval ; la maîtresse branche qui se trouvait devant lui représentait assez exactement le cou de la monture. Il la saisit et l’enveloppa de ses deux bras, comme une recrue de cavalerie embrasse, au manège, le cou de son cheval excité par quelques coups de houssine. C’est que Jean craignait de tomber s’il s’endormait. La gravité de la chute, à cette hauteur, il n’y pensait même pas ; mais les loups ! Il croyait voir leurs yeux