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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/94

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

briller dans l’ombre, et instinctivement, il ramenait ses jambes pour échapper au danger imaginaire de sentir ses pieds mordus par les vilaines bêtes.

Des frémissements couraient à travers la forêt ; les sapins faisaient entendre leurs harmonies de harpes éoliennes ; des oiseaux de nuit s’interrogeaient de loin par des cris rauques, continués comme si la réponse n’arrivait jamais ; de gros papillons de nuit venaient effleurer de leurs ailes veloutées la joue moite du jeune garçon ; par moments une branche morte se cassait avec un bruit sec, et glissait comme une flèche à travers les ramures ; de gros nuages couraient dans le ciel, — vagues rousses submergeant cent fois, comme une nef ballottée, un léger croissant de lune. Lorsque la lune demeurait au ciel, de la partie un peu élevée de la forêt où il se trouvait, Jean apercevait, mornes et dominant les arbres, les puys qui entourent le Plomb du Cantal.

La nuit était fraîche. Elle était longue surtout à s’écouler ; car Jean ne dormait pas ; il tressaillait, il vibrait, pour ainsi dire, à tous les bruits. La faim aussi le tenait éveillé.

Enfin, l’aube arriva matinale ; c’était la délivrance. Jean vit l’horizon blanchir au levant ; les hauts sommets dessinèrent leurs silhouettes grises sur ce fond pâle ; puis ils prirent des tons divers dont le rose indiquait la position du soleil. Cette nuance lumineuse bordait les évasements, les échancrures des cratères des volcans éteints, dont les parties profondes demeuraient dans une ombre violette.

Avec le jour les fantômes s’enfuyaient ; mais la réalité apparaissait au jeune garçon, saisissante et redoutable. Il descendit de son refuge.

Se rappelant qu’en pénétrant la veille dans la futaie il s’était presque constamment frayé un passage en gravissant des pentes, il résolut de redescendre ses pentes, à peu près certain, pensait-il, de rencontrer la route carrossière.

Mais il y avait plus d’une heure qu’il marchait, descendant toujours. Un ruisseau se présenta à lui ; il le franchit, en constatant qu’il se trouvait au fond d’un vallon, et qu’il lui fallait choisir entre deux partis ne pouvant ni l’un ni l’autre, c’était à craindre, le mener à la route cherchée : gravir les pentes qui se présentaient devant lui, ou suivre le ruisseau. Or, ce ruisseau, semé de roches et dont les eaux activaient la végétation folle des rives, n’était nullement facile à longer ; mieux valait grimper sur la hauteur, aller de là à la découverte. C’est ce qu’il fit.

Il monta.