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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/131

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les apologies de l’usure

cet homme disait vrai ! Si les sociétés humaines, comme tout le règne animal, étaient construites sur le plan de l’extermination mutuelle ! $i les hommes étaient condamnés, pour vivre, à s’entre-dévorer ! Et, pris d’angoisse. je n’osais relever le volume, de peur d’y rencontrer une conviction accablante.

On a beau se croire soi-même en possession d’une certitude, on ne se heurte pas impunément à de si hautaines déclarations. Faudrait-il donc opter, en ce monde, entre la misère et le vampirisme, ou se réfugier dans le suicide ? Est-ce là tout le choix que notre destinée nous laisse ?… Et le livre restait à terre.

Mais enfin, notre race est sociable et perfectible : c’est son double attribut. Cette idée m’a rendu courage. Si on doit vivre par l’assistance réciproque, ce n’est donc point par la guerre sans quartier. Il y aurait contradiction. Un peu rassuré, j’ai rouvert le volume, curieux de lire la fameuse démonstration, simple jeu d’enfant pour l’auteur, travail d’Hercule pour tout autre.

La réaction d’ailleurs était vite arrivée. L’épouvantail tournait au puff et ma consternation à la moquerie. L’œuf de Colomb sentait par trop les bords de la Garonne. Cette crainte de perdre, par excès de clarté, les bénéfices de sa gloire, est un truc de place publique. Qui veut trop