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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/150

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critique sociale

besogne est celle du naturaliste décrivant une mâchoire de tigre. Invectivez un peu les crocs de l’animal. Le bonhomme vous lancera un regard de travers où un sarcasme.

Même accueil chez l’économiste, pour l’utopie d’un ordre meilleur. Il s’occupe de ce qui est et se Soucie peu de ce qui devrait ou pourrait être. Pour lui, justice, iniquité, sont des mots vides de sens. Le fait est tout, le droit rien, L’organisation actuelle lui semble le suprême effort de la raison humaine. Il n’en conteste point les lugubres conséquences. Mais il ne voit là que l’effet de notre imperfection naturelle, et condamne sans sourciller le genre humain à l’immobilité perpétuelle dans l’antagonisme.

Cette conviction que le mal est inéluctable dispose médiocrement à la compatissance, et ne sollicite pas outre mesure la sécrétion des glandes lacrymales. À preuve Malthus. Ce brave homme avait les meilleures intentions du monde. Son livre a infiniment plus de mérite et d’originalité que les autres élucubrations économistes. Mais la doctrine de la fatalité des souffrances Sociales lui a dicté des pages peu attendries.

On connaît son fameux apologue des convives privilégiés, dernier mot et résumé parfait de la sensibilité économique : « Quand tous les sièges sont occupés et qu’un intrus survient, il n’y a