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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/152

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critique sociale

et ils commencent à pas mal avoir la lumière. On s’en avise déjà suffisamment. Dès qu’ils la possèderont plus complète, l’affaire ne sera pas longue, et ces messieurs de la noce Malthus feront bien de se serrer un peu, et surtout de mettre des rallonges à la table.

J’ai eu, bien jeune, l’honneur de connaître le plus éminent des économistes français, Jean-Baptiste Say. Condisciple de l’un de ses fils. Alfred, que j’ai perdu de vue depuis longtemps, je l’accompagnais quelquefois chez son père, les jours de sortie, C’était un homme grand, sec, grisonnant, et déjà sur la pente occidentale de la vie, Le sachant une illustration de l’époque, j’écoute, attentif, ses moindres paroles. On se trouvait alors au plus fort des luttes politiques de la Restauration (1820-1821). La mort du duc de Berry avait allumé une guerre ardente. Dans l’opposition, la bourgeoisie seule en faisait tous les frais. Le peuple restait spectateur silencieux et indifférent.

Les bruits de la mêlée avaient retenti jusque sur les bancs du collège et y soulevaient de vives émotions. Mes oreilles, tendues de ce côté, recueillaient avidement toutes les rumeurs de la polémique.

Jean-Baptiste Say avait des idées très révolutionnaires pour le temps. Il détestait à la fois les Bourbons et Bonaparte, contradiction apparente