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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/254

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LA FEMME DU DOCTEUR.

saveur en séjournant dans les coupes à moitié vides sur une table abandonnée.

Ce jour-là, il était assis dans l’embrasure de la fenêtre de la bibliothèque, — fenêtre profonde dans le style Tudor, ouvrant sur une vaste terrasse dallée, sur la balustrade de laquelle un paon se promenait lentement au soleil. Il y avait des livres à droite et à gauche de la fenêtre ; des rayons massifs chargés de volumes à reliure sévère, qui couvraient les murs du plancher à la corniche, car les Lansdell étaient de temps immémorial une famille de lettrés et de savants, et la bibliothèque de Mordred était digne de sa réputation.

Un seul tableau décorait cette chambre, — un portrait peint par Rembrandt, encadré de chêne massif sculpté, — placé au-dessus de la haute cheminée : un visage majestueux et grave dont les yeux solennels vous regardaient toujours, un visage ouvert, loyal, et magnifique, dont le front était ombragé par les larges ailes d’un chapeau d’une forme très-haute.

Dans l’expression de sombre mélancolie de cette image on discernait quelque vague ressemblance avec le visage du jeune homme assis dans l’embrasure de la fenêtre, fumant et rêvant, et relevant la tête de temps en temps pour appeler le paon qui paradait sur la balustrade.

Au delà de cette balustrade s’étendait un beau domaine, clos, dans l’éloignement, par un mur crénelé ; un grand mur emmantelé de lierre, soutenu de loin en loin par de puissants contre-forts ; un mur qui datait des jours où Guillaume de Normandie enrichit ses fidèles vassaux par le don des plus belles terres du royaume nouvellement conquis. Par delà cette an-