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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/47

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LA FEMME DU DOCTEUR

à ce moment, Mme Sleaford avait fini son travail et elle daignait redevenir aimable et raconter ses tourments et ses soucis à Sigismund et à ses enfants. Mais, ce soir-là, on s’était mis en frais, en l’honneur du jeune provincial. Il y avait un homard et une montagne de laitues, — très-peu de homard en comparaison de la verdure, — et Sigismund devait faire une salade. Sigismund était très-fier de son habileté dans ce département de l’art culinaire, et comme, en général, il mettait au moins vingt-cinq minutes à couper, à assaisonner, à remuer, à goûter, et à composer, avant que la salade fût prête, le temps ne manquait pas pour causer. Ce soir-là, George causa avec Isabel, et Horace jouit du privilège de rester au souper par la simple raison que personne dans la maison n’avait l’autorité suffisante pour l’envoyer au lit, attendu qu’il refusait obstinément de s’en aller, à moins d’y être contraint par la force. Il était assis en face de sa sœur et occupait ses loisirs à sucer les longues antennes du homard tout en contemplant, les coudes sur la table, le visage du visiteur pendant que Sigismund préparait la salade.

La soirée se passa agréablement et gaiement, car Isabel oublia ses héros et daigna descendre un instant au niveau de George, et causer avec lui de la grande Exposition de l’année précédente et de la pantomime qu’elle avait vue à la Noël passée. George la trouva très-jolie, surtout lorsqu’elle lui souriait ; puis il retomba dans son étonnement et se demanda pourquoi elle était si différente de Mlle Sophronia et des autres personnes de Graybridge-sur-la-Wayverne qu’il avait vues toute sa vie et chez lesquelles il n’avait absolument rien trouvé qui pût l’étonner.