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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/105

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LES OISEAUX DE PROIE

fût âgée de huit jours, le capitaine faisait paraître une annonce dans un journal quotidien, et moins de quinze jours après, Anna fut forcée de remettre son trésor à une vieille femme de bel embonpoint, qui avait consenti à élever l’enfant au biberon dans un misérable quartier, très-éloigné.

Anna livra l’enfant sans un murmure, avec autant de douceur qu’elle se fût livrée elle-même si le capitaine avait amené à son intention un bourreau masqué dans la pièce voisine. Elle n’avait pas la moindre idée de résistance envers son mari. Elle supporta son existence cinq ans environ après la naissance de son enfant, et pendant ces malheureuses années, l’unique effort de sa vie était d’assurer le minime salaire payé pour l’entretien de la petite fille. Mais avant le cinquième anniversaire de la naissance de l’enfant, la mère mourut subitement. Elle s’éteignit dans une sorte de galetas, dans les bras de son hôtesse, qui la consolait dans ses heures de misère comme elle avait consolé le gentilhomme ruiné. Au moment de la mort de sa femme, le capitaine était à la prison pour dettes, et il fut bien étonné de ne pas la voir le matin lui apporter des petites douceurs comme elle avait coutume de le faire.

Il ne l’avait pas vue depuis huit jours. Il lui avait envoyé deux lettres ; la seconde était irritée. Un petit garçon mal tenu et mal peigné, vêtu d’un habit en velours de coton à côtes, vint le trouver dans la salle de la prison.

Ce petit garçon avait reçu ses instructions. Il devait bien faire attention à la manière dont il annoncerait la triste nouvelle au pauvre cher gentilhomme ; mais le petit bonhomme se mit à trembler devant le nez crochu du capitaine et ses yeux gris scrutateurs, et raconta sa