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LES OISEAUX DE PROIE

« Vous avez parfaitement raison, George, de vous attacher de toutes vos forces à votre bonne chance, dit-il avec une franchise enjouée, vous l’avez attendue assez longtemps ! Quant à moi, j’ai mis les doigts dans un assez grand nombre de plats pour pouvoir m’abstenir de les mettre dans les vôtres, quelques bons morceaux qu’ils me promettent, mon cher ami, et personne ne sera plus heureux que moi de votre succès. »

Sheldon donna une tape sur l’épaule de son frère en prenant congé de lui.

« Je crois que pour cette fois je suis plus fort que Philippe, » murmura George.

Il enfonça ses mains nerveuses dans les poches de son pantalon, en souriant d’un sourire joyeux qui découvrit ses dents carrées.

« Oui, je puis me vanter d’avoir vaincu aujourd’hui ! » murmura-t-il,

C’est certainement une chose très-charmante que de triompher d’un ennemi, si charmante que le vainqueur oublie généralement de se demander ce que lui coûtera sa victoire. On frappe un homme à terre et on ne se souvient pas que cet homme peut se relever.

George, qui connaissait le cœur humain, aurait dû comprendre qu’il devait d’autant plus redouter son frère qu’il venait de le jouer. Philippe n’aimait pas à être dupe, mais il n’était jamais plus dangereux que lorsqu’il se donnait des airs doux, bon enfant.