un étudiant peu fortuné, un homme de lettres sans éditeur qui cherche passagèrement quelques ressources dans la lecture des épreuves. Il serait étonnant qu’il fût habile.
« Le correcteur femme existe aussi ; mais cette espèce, du reste très rare, n’apparaît jamais dans l’atelier typographique ; on ne l’entrevoit qu’au bureau du patron ou du prote. Nous n’en parlerons pas… par galanterie[1]. »
Boutmy dont le livre fut écrit, croyons-nous, vers l’année 1883, assista aux derniers moments d’une époque qui ne devait pas tarder à disparaître. Il connut le typographe « compagnon du tour de France », qui chaque semestre, aux moments de calance, quittait Paris pour le Nord, le Midi ou le Centre ; il vécut côte à côte avec cette bohème littéraire, administrative et judiciaire, dont les révolutions successives de 1848, 1852 et 1870 emplirent les bureaux de correction des imprimeries parisiennes ; il assista aux premières tentatives de groupement de la classe typographique ouvrière. À ce titre les renseignements qu’il a parcimonieusement mesurés ont une importance toute particulière.
Mais non moins savoureux, pensons-nous, seront jugés par le lecteur ces curieux souvenirs qu’une bonne fortune inespérée nous a permis d’obtenir de l’un de ces « demi-vieux » qui, quelques années après la publication du livre de Boutmy, fut correcteur en l’une des typographies les plus importantes de la Capitale[2] :
« Il y a quelque trente-cinq années, dans plusieurs grandes Maisons de Paris, travaillaient des virgulards surgis des quatre coins de l’horizon et dont, pour quelques-uns, le passé n’était point vulgaire.
« À la suite de quelles circonstances étaient-ils venus échouer dans ce refuge des espérances irréalisées qu’était alors pour un grand nombre la correction ?
« Dans l’un des plus confortables palaces correctionnels qui existaient à cette époque on pouvait voir, assemblés côte à côte, en deux rangées de pupitres scolaires, des évadés de la Médecine, de la Magis-