Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/582

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prêter l’épaule, comme Hercule relayant Atlas fatigué, car il y aura toujours de quoi vous occuper, vous et tous ceux qui porteront ici leurs pas. » La devise d’Alde l’Ancien était : Festina lente.

« Pour faire ses lectures, M. Didot s’enfermait dans un cabinet retiré dont les appartements voisins étaient silencieux ou inhabités[1]. »

b) Que faut-il donc au correcteur ? — Un bureau modeste — le luxe et le grandiose seraient hors de propos ! — où il puisse travailler continuellement avec la plénitude de ses facultés ; un bureau où l’hygiène soit tenue en honneur et où, sans exiger le calme de la solitude la plus absolue, il ne soit pas exposé à des ennuis et à des dérangements continuels. Si la disposition des lieux, si les ressources de la Maison ne permettent point de mettre à la disposition du correcteur un local bien aéré, bien éclairé, distinct de la salle de composition, « tout au moins, qu’un vitrage fermé abrite les correcteurs contre le bruit des conversations qui empêchent de suivre, en lisant une épreuve, le sens d’un texte à corriger[2] ».

Le silence est en effet l’une des conditions les plus indispensables à une bonne correction, bien que cette nécessité même du recueillement, d’un recueillement prolongé, soit, « pour certaines natures, un supplice dont l’amertume se gonfle de toute la joie exubérante qui éclate autour d’elles. Dans l’atelier règne la vieille gaieté française ; la plaisanterie voltige d’un rang à l’autre, le rire se mêle au fracas des machines. Dans le bureau, on n’entend que le crissement de la plume et le tic-tac de la pendule[3]. »

c) Des conditions relatives à l’hygiène la plus importante pour le service de la correction est, sans contredit, celle de la vue. Chez les mineurs, on a observé des troubles visuels fréquents dus à la demi-

  1. Voir page 385.
  2. Rapport sur la Situation morale et matérielle des Correcteurs, présenté à l’Union des Maîtres Imprimeurs de France au nom de la Société amicale des Protes et Correcteurs (Circulaire des Protes, juillet 1910).
  3. D’après A.-T. Breton (Physiologie du Correcteur d’imprimerie, p. 27), « le savant austère Jérôme Hornschuch, docteur en médecine et correcteur dans l’imprimerie de Beyer, à Meinungen, recommandait aux correcteurs d’éviter avec le plus grand soin de s’abandonner à la colère, à l’amour, à la tristesse, enfin à toutes les émotions vives… ».