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Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/71

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PRÉFACE.

De plus encore : le motif qui fait faire un livre est ou la gloire, ou la cupidité ; or ni l’un ni l’autre de ces motifs n’est de nature à décider un savant à inscrire sur son propre ouvrage le nom de Vyâsa.

Si alors même qu’un ouvrage porte le nom d’un auteur, on allait encore douter que cet ouvrage soit de lui, rien n’empêcherait plus qu’on ne doutât de même que Patañdjali soit l’auteur du Mahâbhâtchya[1], que Gâutama le soit des traités sur la dialectique, que Çam̃kara Âtchârya le soit du Çârîraka [Bhâchya] et d’autres ouvrages.

De plus encore : l’existence d’un commentaire [sur le Bhâgavata], commentaire composé par d’anciens Maîtres, tels que Tchitchtchhuka[2] et

    en admettant ce fait comme établi, il faut, pour expliquer et l’opinion d’Ellis, et le témoignage du texte que je traduis, supposer que le nom de Vidyârâṇya désigne encore un autre personnage que Mâdhava, personnage qui aurait été en même temps le frère de ce grand védântiste. Je pense donc que Vidyâraṇya est le surnom religieux de Sâyaṇa, frère de Mâdhava, qui était ministre de Virabukka, et qui a composé un certain nombre d’ouvrages auxquels il a donné le titre de Mâdhavîya. On connaît de lui le Madhavîyavrĭtti, qui est un volumineux commentaire sur les listes des radicaux verbaux de la langue sanscrite. (Colebr. Miscell. Essays, t. II, p. 9 et 43.) M. Wilson cite lui-même cet ouvrage sous le titre de Mâdhavîya Dhâtuvrĭtti, et il nous apprend qu’il est de Sâyaṇa, frère utérin de Mâdhava. (Sanscr. Dict. préf. p. xvii, note, 1re édit.) Colebrooke cite encore, comme un très-célèbre ouvrage de Sâyaṇa, le Nyâyamâlâvistâra, l’un des traités les plus estimés sur la philosophie Mimâm̃sâ, qui porte également le nom de Mâdhava. (Miscell. Essays, t. I, p. 301.) J’ai sous les yeux en ce moment une portion considérable du grand commentaire que Sâyaṇa a écrit sur le Rĭgvéda, et dans la rubrique qui termine chaque Âchṭaka, je trouve son ouvrage nommé Mâdhavîya Védârthaprakâça, c’est-à-dire Explication du sens du Véda par Mâdhava. (Voy. Rĭgvédâbhâchya, p. 80 du ms. de la Bibl. du Roi.) Dans le manuscrit que je possède de cette compilation précieuse, Sâyaṇa est appelé ministre du roi Virabukka. Pour revenir au texte qui a donné lieu à cette note, on remarquera que le nom de Vidyâraṇya y est mis au pluriel ; cette forme est purement honorifique, ainsi que l’a fait voir Colebrooke (Miscell. Essays, t. II, p. 367, note), et c’est dans ce sens que j’ai cru pouvoir traduire : « Un homme comme Vidyâraṇya. » On voit un autre exemple de ce fait dans le traité sur l’adoption, intitulé Dâttakamimâmsâ, p. 12, l. 17, et p. 13, l. 16.

  1. Le Mahâbhâchya est le grand commentaire sur les axiomes de Pâṇini, que la tradition attribue unanimement à Patañdjali. (Colebrooke, Miscell. Essays, t. II p. 7, 40 et 63.) Les autres ouvrages cités ici sont suffisamment connus.
  2. Je suppose que ce nom est le titre de quelque personnage bien connu, peut-être de Çam̃kara ; car c’est sur l’existence d’un commentaire que ce savant aurait composé pour le Bhâgavata, qu’insiste en ce moment notre auteur, à l’effet de prouver que ce Purâṇa doit être d’une main plus