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sombres lendemains

des âmes endolories et des corps mal reposés.

Ils n’avaient plus d’idées.

Une seule flottait, parmi les débris d’espoirs, dans la débâcle : « En vendant mon bien j’ai payé mes dettes… l’honneur est sauf. » Mais, c’était la misère.

Et l’on partait.

La Grise, que seule on gardait, et ce fut un peu de joie, et pour cette joie dans le malheur, on entoura de plus d’amitié la vieille jument, la Grise fut attelée au lourd traîneau qui portait la grande boîte. Et dans le foin se tassèrent les quatre enfants, sans rien que leurs vêtements pauvres, au travers de ces lambeaux la froidure les pinçait… deux couvertures, quelques ustensiles de cuisine, un crucifix, une image de Marie, et la hache : le gagne-pain. Rien de plus… sauf la vision fuyante des joies finies, vendues comme le reste, et devant eux la marche longue et grelottante, sur la neige et dans la bise, vers l’inconnu…

— Papa, notre maison !

Petit François qui se retournait, comme on gravissait une côte, l’aperçut, tout au bas, déjà loin…

Notre maison !… Ce n’était plus la leur… Tous regardèrent, l’homme aussi qui pâlit soudain.

— Marche ! marche ! la Grise…

Il fouetta la bête ; un sanglot passa dans la voix rauque ; le vent souffla… Sur la côte dévalante la Grise galopa…