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Page:Fiel - Sur le sol d'Alsace, 1911.djvu/163

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SUR LE SOL D’ALSACE

Louise qu’il ne faut pas… parlez-lui de notre défaite… rendez-la fière… dites-lui combien notre pays souffre… » Ils me répondaient : « Ce ne sont pas des histoires pour les jeunes filles ; laissons cette petite vivre tranquillement… pourquoi l’assombrir avec des visions passées… chacun sa vie… » Et l’on se taisait devant vous… et vous n’avez rien su… ni les regrets… ni les douleurs… et c’est ainsi qu’on détourne les enfants de leur devoir… par faiblesse… par bonté… pour leur éviter du chagrin… mais aussi on ne leur forme pas une âme avec une conscience digne. Un Allemand est venu… il était beau… vous avez cru qu’il serait semblable à vos parents… que chez vous… il n’y aurait pas de place pour la haine… et sitôt qu’il a mis le pied dans la maison, il l’a posé ferme en enfonçant chaque pas… comme un conquérant.

Louise se taisait, prostrée. La voix de Marianne lui parvenait, assourdie… Les paroles, comme des glaives aigus, arrachaient son cœur. Elle s’en voulait maintenant, comme d’un crime, d’avoir cédé à la perspective d’une vie facile… Elle aurait dû fermer le manoir et partir… n’avoir