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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/159

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La Légende du calife Hakem, l’Histoire de Belkis et de Salomon montrent à quel point Gérard de Nerval s’était pénétré de l’esprit mystérieux et profond de ces récits étranges où chaque mot est un symbole ; on peut même dire qu’il en garda certains sous-entendus d’initié, certaines formules cabalistiques, certaines allures d’illuminé qui feraient croire par moments qu’il parle pour son propre compte. Nous ne serions pas très-surpris s’il avait reçu, comme l’auteur du Diable amoureux, la visite de quelque inconnu aux gestes maçonniques tout étonné de ne pas trouver en lui un confrère. Une préoccupation du monde invisible et des mythes cosmogoniques le fit tourner quelque temps dans le cercle de Swedemborg, de l’abbé Terrasson et de l’auteur du Comte de Cabalis. Mais cette tendance visionnaire est amplement contre-balancée par des études d’une réalité parfaite, telles que celles sur Spifane, Rétif de la Bretonne, la plus complète, la mieux comprise que l’on ait faite sur ce Balzac du coin de la borne, étude qui a tout l’intérêt du roman le mieux conduit. Sylvie, l’œuvre la plus récente de l’écrivain, nous semble un morceau tout à fait irréprochable ; ce sont des souvenirs d’enfance ressaisis à travers ce gracieux paysage d’Ermenonville, sur les sentiers fleuris, le long des rives du lac, au milieu des brumes légères colorées en rose par les rougeurs du matin, une idylle des environs de Paris, mais si pure, si fraîche, si parfumée, si humide de rosée, que l’on pense involontairement à Daphnis et Chloé, à Paul