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Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/84

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de l’écriture sainte.

car les uns, tels que Baruch et les fragments d’Esther, étaient composés à l’époque où vivaient Esdras et Néhémie ; et les autres, comme l’Ecclésiastique, la Sagesse et les Machabées, ne l’étaient pas encore. Après cette observation, nous répondons à la question :

1. La deuxième classe des livres deutéro-canoniques n’a pas pu être insérée dans le Canon des Ecritures dressé par Esdras, puisqu’elle n’existait pas encore.

2. Quant à la première classe, il n’est pas facile d’expliquer d’une manière sûre pourquoi elle n’a pas été comprise dans le Canon des Juifs. Cependant on peut le faire au moyen d’une hypothèse qui non-seulement n’a rien de choquant, mais qui n’est pas sans quelque vraisemblance. Il suffit de supposer que ces livres, qui s’étaient perdus, ne furent retrouvés qu’après la clôture du Canon d’Esdras, et que les Juifs refusèrent de les insérer dans ce catalogue. Or, cette supposition est d’autant plus naturelle, que les livres de ces temps anciens n’étaient pas aussi faciles à conserver que ceux d’aujourd’hui. Ils consistaient en de simples rouleaux formés eux-mêmes de feuilles détachées, qui pouvaient par cela même se perdre très-facilement. Ainsi, ces livres égarés ne s’étant pas trouvés sous la main d’Esdras lorsqu’il dressa le Canon, il ne put les y insérer. Il est vrai que dans la suite, lorsqu’on les découvrit, il ne dépendait que de la Synagogue de les ajouter au Canon ; et si elle ne le fit point, c’est sans doute parce qu’elle ne crut pas en avoir le droit, privée, comme elle l’était, de l’autorité prophétique. On sait en effet que depuis Esdras jusqu’à Jésus-Christ, il ne parut d’autres prophètes du caractère de ceux qui réglaient tout avec autorité divine, qu’Aggée, Zacharie et Malachie, qui sont arrivés eux-mêmes trop tôt pour aider la Synagogue dans cette mission. On conçoit aisément que, dans cet état de choses, la divinité de ces livres n’ait point paru assez constatée aux yeux de la Synagogue pour qu’elle crût devoir prendre sur elle seule de les égaler aux autres livres, que l’autorité des prophètes eux-mêmes avait consacrés.


QUESTION TROISIÈME.
La tradition des Juifs est-elle favorable aux livres deutéro-canoniques ?

Ce n’est pas seulement par leur Canon qu’on peut connaître le sentiment des Juifs sur les livres deutéro-canoniques, mais il y a un autre moyen de s’en assurer : ce moyen, la critique elle-même nous le fournit, c’est leur tradition. On sait que la nation juive se divisait en deux classes, l’une formée par les Juifs hellénistes ou parlant grec, lesquels étaient répandus dans tout l’empire romain, et se trouvaient en grand nombre surtout à Alexandrie ; l’autre composée des Juifs de la Palestine qui étaient demeurés à Jérusalem et avaient conservé le langage hébreu.