Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/92

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Écarlate de flamme, a l'air rouge de sang.
Ouvrez Léviathan, ce sera là son ventre.

Cette salle est un lieu de rendez-vous.

                                                          Au centre,
Autour d'un tréteau vaste où fument tous les mets,
Perdrix, pluviers, chevreuils tués sur les sommets,
Mouton d'Anjou, pourceau d'Ardenne ou de Belgique,
Des hommes radieux font un groupe tragique ;
Ces hommes sont assis, parlant, buvant, mangeant,
Sur des chaires d'ivoire aux pinacles d'argent,
Ou sur des fronts de bœuf entre les larges cornes ;
Leur rire monstreux et fou n'a pas de bornes ;
Leur splendeur est féroce, et l'on voit sortir d'eux
Une sorte de lustre implacable et hideux ;
Le nœud de perles sert d'agrafe aux peaux de bêtes ;
Ils sont comme éblouis de guerre et de tempêtes ;
Tous, le jeune homme blond et le vieillard barbu,
Causent, chantent, beaucoup de vin chaud étant bu,
De la fin du repas la nappe ayant les rides ;
Chasseurs vertigineux ou bûcherons splendides,
Chacun a sa cognée et chacun a son cor ;
L'âtre fait flamboyer leurs torses couverts d'or ;
La flamme empourpre, autour de la table fournaise,
Ces hommes écaillés de lumière et de braise,
Étranges,