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EN-NOWEIRI.

cette tentative, les autres musulmans se hâtèrent de prendre part à une nouvelle expédition. Mouça fit alors venir son client, Tarec-Ibn-Zîad, chef de l’avant-garde musulmane, et l’envoya [en Espagne] avec sept mille musulmans, dont la plupart étaient Berbères et nouveaux convertis. La flotte se dirigea vers une montagne qui s’élève dans la mer et touche, d’un côté, au continent. Ce fut là qu’ils abordèrent, et cette montagne fut nommée Djebel-Tarec (la montagne de Tarec, Gibraltar). Lors des conquêtes d’Abd-el-Moumen [le souverain almohade], ce prince y fit bâtir une ville, et changea le nom de la montagne en Djebel-el-Feth (Mont-Victoire ou montagne de l’entrée), mais cette nouvelle dénomination ne se maintint pas ; l’ancienne seule s’est conservée. Le débarquement de Tarec s’effectua dans le mois de Redjeb de l’an 92 (mai 711). Ibn-el-Athîr rapporte que, dans la traversée, Tarec s’étant abandonné au sommeil, vit le saint Prophète, accompagné de ceux qui avaient émigré de la Mecque pendant la persécution, et des Médinois qui lui avaient accordé leur appui. Ils portaient l’épée au côté et l’arc en bandouillère. Le Prophète lui adressa ces paroles : « O Tarec ! avance et accomplis ton entreprise ; sois humain envers les musulmans et fidèle à tes engagements. » Tarec regarda alors et vit le Prophète béni et ceux qui l’accompagnaient entrer en Espagne devant lui. A son réveil, il annonça cette bonne nouvelle à ses compagnons, et sentant son cœur affermi, il se tint assuré du succès. Quand tout le monde fut débarqué à la montagne, il les mena dans la plaine et pénétra dans Algésiras où il rencontra une vieille femme qui lui adressa ces paroles : « J’avais un mari qui prévoyait l’avenir ; il annonça au peuple qu’un chef entrerait dans leur ville et en prendrait possession ; il leur décrivit la figure du conquérant, qui devait avoir, selon lui, une grosse tête et une tache velu sur l’épaule gauche. » Tarec se dépouilla aussitôt de ses vêtements et eut le plaisir d’apprendre que sur son épaule il se trouvait, en effet, une tache telle qu’elle l’avait décrite. Le même historien dit encore : lorsque Tarec eut quitté la forteresse de la montagne, et subjugué Algésiras, la nouvelle en fut portée à Roderic qui était alors engagé dans une ex-