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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/474

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APPENDICE.

pédition militaire. Frappé de cet événement, Roderic renonça à son entreprise et rassembla une armée de cent mille hommes, à ce qu’on dit, pour s’opposer aux progrès de Tarec. Celui-ci écrivit alors à Mouça, pour l’instruire de son succès et lui demander des renforts. Il obtint un secours de cinq mille hommes, de sorte que le nombre des musulmans se trouva porté à douze mille. Yulîan les accompagna, pour les diriger vers les endroits faibles du pays, et leur procurer des renseignements. Roderic vint avec son armée leur livrer bataille[1] ; la rencontre eut lieu sur le bord de la rivière Léka[2], dans le district de Sidonia, le vingt-huitième jour du mois de Ramadan de l’an 92 (19 juillet 711 de J.-C.), et huit jours se passèrent en combats[3]. Les deux fils de l’ancien roi commandaient chacun une aile de l’armée de Roderic, et comme ils le détestaient, ils résolurent, d’accord avec quelques autres princes, de prendre la fuite ; « car, disaient-ils, quand les musulmans auront les mains remplies de butin, ils s’en retourneront dans leur pays et le royaume nous restera. » Ils se retirèrent alors en désordre, et Dieu ayant mis en déroute les troupes de Roderic, ce prince se noya dans le fleuve[4]. Tarec les poursuivit jusqu’à la ville d’Ecija, dont les habitants, ainsi qu’un grand nombre de fuyards qui s’étaient ralliés à eux, vinrent lui livrer bataille. Après un combat acharné, les Espagnols

  1. Ibn-Abd-el-Hakem rapporte que Roderic vint à la rencontre de Tarec, et parut assis sur le trône du royaume qui était porté par deux mulets ; il avait la tête ceinte d’un diadème, et portait des gants (coffazan) et tous les autres ornements dont les rois ont l’habitude de se parer.
  2. Nehr-Leka peut être la même rivière que le Ouadi-Leka ou Guadalète. Ibn-el-Goutïa l’appelle Ouadi-Béka. L’auteur anonyme de la conquête de l’Espagne, man. de la Bib. nat., no 706, dit que le combat eut lieu près du lac (el-boheira).
  3. Les musulmans passèrent trois jours à tuer leurs ennemis. — (Ibn-Abd-el-Hakem)
  4. L’on n’entendit plus parler de Roderic, et personne n’a jamais su ce qu’il devint. Les musulmans trouvèrent le cheval gris qu’il avait monté ; l’animal portait une selle ornée d’or, de rubis et d’émeraudes, et l’on remarqua sur ses jambes les traces de la boue dans laquelle il était tombé. On trouva aussi dans la boue une des bottes de Roderic. — (Ibn-Abd-el-Hakem.)