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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/18

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engendré les Ibères, ces peuples de vieille date, que longtemps aussi on a voulu rattacher aux races sémitiques.

Quoi qu’il en soit de toutes ces hypothèses, au temps où l’histoire commence enfin à jeter une clarté plus vive sur la situation des peuples placés entre le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et l’immense Océan, les Celtes occupaient déjà toute la lisière maritime de cette contrée et les grandes îles situées à l’ouest. Il semble toutefois que quelques-unes de ces tribus soient restées en arrière, égarées sans doute dans les forêts de la Germanie ; car un grand siècle avant l’ère chrétienne, nous rencontrons des Cimbres qui ne savent plus où les pousse la fortune. Ils sont venus du Nord, ils se sont réunis aux faibles restes des peuplades germaniques tombées sous les coups de Marius dans les plaines ensanglantées d’Aix et de Verceil. De ces batailles de Romains à barbares, de cette lutte terrible entre les deux peuples, les historiens nous ont transmis d’horribles et éloquents souvenirs. La taille énorme, les yeux farouches, les armes et les vêtements étranges des barbares avaient d’abord jeté l’épouvante dans le camp des Romains. L’armée des Cimbres occupait la longueur d’une lieue, et les rangs de leur infanterie étaient liés ensemble par des chaînes de fer. Les Cimbres vaincus, leurs femmes, qui les accompagnaient toujours dans ces lointaines excursions, demandèrent grâce au vainqueur. Le Romain répondit à ces femmes, filles, femmes et mères des héros, par l’ironie et par l’insulte. Aussitôt les voilà qui relèvent la tête : elles priaient pour leurs enfants, non pas pour elles ; mais plutôt que d’en faire des esclaves, elles les étranglent et les jettent sous les roues de leurs chariots ; puis, leurs enfants morts, elles se pendirent elles-mêmes par un nœud coulant aux cornes de leurs bœufs. Cependant la victoire des Romains n’était pas complète : les chiens des Cimbres défendirent longtemps les cadavres de leurs maîtres ; il fallut tuer le chien à côté du soldat.

Le peuple qui occupait la contrée comprise aujourd’hui sous la dénomination de Bretagne se composait de plusieurs peuples. Il y avait les Kimbres, les Celtes purs, pressés sur la côte, et les Galls ou Goëls, qui habitaient l’intérieur. Nous aurons occasion de faire remarquer plus d’une fois les oppositions de ces races, dont la rivalité n’est pas complètement éteinte encore. On retrouve la trace de ces vieux ressentiments dans la haine héréditaire qui subsista de tout temps entre la haute et la basse Bretagne, entre les vrais Bretons de pure race et ces Gatloët, qui ont oublié la langue et négligé les mœurs de leurs pères.