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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/19

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S’il vous plaît, nous laisserons les savants[1] se reconnaître dans ces races diverses, et retrouver avec cette patience qui tient du génie les diverses branches de la famille gauloise : ici les Kimbri de la première invasion et les Kimbri de la seconde invasion ; plus loin, sur les faîtes des Pyrénées, sur les bords de la Garonne, sur les rives de la Méditerranée, les Aquitani et les Ligures ; laissons-les saluer dans l’ancienne Provence la famille grecque-ionienne ; en Corse, la famille græco-latine, la race arabe dans les synagogues, la race germanique dans les campagnes de l’Alsace et dans les villes de la Lorraine : tout ce que nous pouvons faire, c’est d’accepter ces origines si bien débattues ; nous n’avons pas la prétention de deviner comment s’est opéré le mélange de toutes ces races diverses avec les Celtes, les pères de nos pères. Celtes et Gaulois : voilà de quels peuples nous sommes sortis — Celtæ-Galli ; leurs titres de noblesse se retrouvent dans Strabon[2] et surtout dans les Commentaires de Jules César. Ces Celtes-Gaulois ont déjà quelque chose de l’esprit français : ils sont hardis et goguenards, impétueux et frivoles, très-braves et très-légers, hospitaliers, généreux, avides de justice et de liberté. Rome, qui n’estimait guère ce qui n’était pas la république romaine, porte aux Celtes une grande estime ; elle en parle avec de sérieuses louanges, et, ce qui est le plus sûr hommage, elle en parle avec une certaine terreur : elle trouve que ces barbares sont pleins d’intelligence et de hardiesse ; que rien ne les étonne, non pas même la civilisation, l’organisation et les beaux-arts de la ville éternelle. Quand Rome disait cela, elle se rappelait qu’il y avait dans les forêts de la Gaule d’intrépides soldats sept cents ans avant la fondation de Rome ; même à Rome toute-puissante, il avait fallu soixante années d’une guerre acharnée et les plus rudes travaux de ses plus grands capitaines pour dompter cette race celtique, et pour faire de la terre des Celtes une province romaine. C’est la gloire de Jules César d’avoir soumis à ses armes la Gaule transalpine. Il s’est battu tour à tour contre les Celtes, contre les Aquitains, contre les Belges, contre les Kimbri ; et quand enfin tous ces enfants de la même famille eurent cédé pour un temps au génie de Rome, alors les Romains n’eurent pas de cesse qu’ils n’eussent divisé la Gaule d’abord en quatre provinces : la Belgique, la Celtique, l’Aquitanique, la Narbonnaise ; puis en sept provinces, puis en douze ; Valentinien

  1. Amédée Thierry, Histoire des Gaules, tome II.
  2. Strabon, liv. IV, chap. iv.