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LE CHIEN D’OR

gnage au bourgeois. Il avait dit la vérité parce qu’elle est plus facile à dire. Il ne se gênait jamais, c’était son principe. Il n’était point poltron, n’avait peur de rien et ne respectait personne. S’il faisait un mensonge, c’était sans scrupule, de propos délibéré et quand la chose en valait la peine. Mais alors même il s’accusait de n’être pas un homme.

Le colonel Philibert ressentit vivement l’injure faite à son père. Il regarda Bigot en face :

— Le chevalier Bigot, dit-il, n’a fait que rendre simple justice à mon père, en cette occasion. Mais qu’il veuille bien se rappeler, le chevalier, que mon père, bien que marchand ici, est avant tout un gentilhomme Normand, — un gentilhomme qui n’a jamais forfait à l’honneur, — un gentilhomme dont l’ancienne noblesse peut rendre jaloux l’Intendant lui-même.

Bigot élança un regard courroucé au colonel. C’était une allusion à sa noblesse de fraîche date.

— J’ajouterai un mot, reprit Philibert, en fixant tour à tour Bigot, Cadet et Varin ; quiconque attaque mon père m’attaque moi-même, et nul, s’il le fait, qu’il soit petit ou grand, n’échappera au châtiment que je lui réserve.

La plupart des officiers s’approchèrent de la table en donnant des marques d’approbation à Philibert. Personne d’entre les amis de l’Intendant, ne releva le défi. Ils se bornèrent à se regarder les uns les autres. Bigot dissimula sa fureur, et pour prévenir toute réplique nouvelle, il se leva et pria le gouverneur d’ouvrir la séance.

— Nous perdons, dit-il, en récriminations personnelles, un temps précieux que nous devons au roi. Je saisirai le tribunal de cette affaire, et j’espère que les instigateurs de l’émeute comme les émeutiers, seront sévèrement punis de l’outrage qu’ils ont fait à l’autorité royale.