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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/209

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LE CHIEN D’OR

Elle s’abandonna à d’amères réflexions. Peu à peu, le silence envahit la demeure. La bruyante orgie agonisait. Quelques voix encore retentirent, quelques pieds froissèrent le parquet, puis, tout bruit mourut. Le calme se fit profond comme dans un tombeau.

Elle comprit que les convives étaient partis, mais elle ne savait pas que Bigot était parti avec eux.

Un coup léger fut frappé à sa porte. Elle se leva, croyant que c’était lui qui venait lui dire adieu. Elle fut bien contrariée, c’était la dame Tremblay.

— Puis-je entrer, madame ? demanda la gouvernante.

Caroline arrangea du bout des doigts ses cheveux un peu en désordre, s’essuya les yeux avec son mouchoir et s’efforça de faire disparaître les traces de ses angoisses.

— Vous pouvez entrer, dit-elle.

II.

Dame Tremblay, jadis la charmante Joséphine du lac Beauport, était passablement rouée aujourd’hui. Cependant sous son corset antique battait encore un excellent cœur. Elle plaignait sincèrement cette jeune fille inconsolable qui passait les jours dans la prière et les nuits dans les pleurs. Elle aurait pu lui reprocher de ne pas apprécier davantage l’honneur de rester à Beaumanoir et l’amitié de l’Intendant.

Elle pensait, la vieille, dans sa vanité :

— Elle n’est pas plus belle que moi, au temps où l’on m’appelait la charmante Joséphine ! Je n’aurais pas dédaigné Beaumanoir alors ! pourquoi le dédaignerait-elle aujourd’hui ? Mais elle ne sera pas longtemps souveraine ici, c’est mon opinion.

À cette réponse : Vous pouvez entrer, elle ouvrit la porte, fit un respectueux salut à mademoiselle de St-Castin et lui demanda si elle avait besoin de ses services.