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LE CHIEN D’OR

V.

— Avez-vous entendu parler de la fête de Belmont, au couvent, mademoiselle Roy ? demanda le chevalier en faisant tourner sa canne.

— Nous n’avons entendu parler, et nous n’avons parlé que de cela depuis huit jours. Nos maîtresses ont eu de la besogne, car nous causions toujours, au lieu d’étudier nos leçons comme des filles sages, pour mériter des points de bonne conduite. La fête, le bal, les toilettes, la compagnie, tout cela remplissait nos cœurs et nos têtes ! si bien, chevalier, que Louise de Beaujeu que voici,… devinez ce qu’elle a dit. La maîtresse de classe lui demandait comment se traduit ciel en latin. Vous ne le devinez point ? Elle a répondu : Belmont !

— Pas de ces contes, mademoiselle Roy ! riposta Louise de Beaujeu avec un éclair de joie dans les paupières. Gardons pour nous nos histoires de couvent. Après tout, la traduction n’était pas mauvaise. Une superbe méprise, par exemple ! continua-t-elle, c’est la réponse de cette demoiselle de la classe de grec, à qui la maîtresse demandait le véritable nom de l’Ajax Andron, le roi des hommes de l’Iliade…

Louise Roy regarda son amie avec défiance et malice.

— Continue ! continue ! fit-elle ;

— Vous ne le devineriez jamais, chevalier, reprit mademoiselle de Beaujeu ; autant vous le dire tout de suite. L’élève répondit gravement : « c’est Pierre Philibert ! »

Mère Sainte Christine poussa un formidable soupir, mais Louise fut condamnée à baiser la terre deux fois, pour avoir prononcé avec tant d’onction et si mal à propos le nom d’un gentilhomme.

— Si je me suis rendue coupable de cette distraction, Louise de Beaujeau, riposta mademoiselle Roy, vous savez que j’en ai subi la peine bruyamment et volontiers. J’aurais bien préféré cependant em-