Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
LE CHIEN D’OR

C’était pour le plaisir d’entendre parler sa servante qu’elle lui faisait cette question ; car elle connaissait parfaitement les noms de tous les convives, de ceux qui s’étaient rendus à Belmont, et de ceux qui avaient décliné l’invitation ! Toute la ville ne s’était occupée que de cette fête depuis plusieurs jours.

— Ô madame ! la bourgeoisie ! presque rien que la bourgeoisie ! des gens qui sentent les fourrures, le poisson, la térébenthine et la Basse-Ville ! Vous voyez chaque jour ces messieurs descendre à la Basse-Ville, les mains dans leurs poches où sonnent les pièces blanches ! des habits enfarinés sur le dos, des pantalons graisseux aux jambes, pendant que leurs femmes et leurs filles, la tête ornée de plumes et en falbalas, se pavanent dans les rues de la Haute-Ville avec tout l’à plomb des gens nobles !

Lisette était une rusée coquine. Elle savait que sa maîtresse s’était moquée de la fête des honnêtes gens.

— Mais enfin, vous savez les noms de ces gens, appuya mademoiselle Des Meloises. Vous possédez une langue capable de tout dire.

— Oui, madame, ce que je n’ai pas vu de mes yeux je l’ai appris de Manon Nytouche, la servante de madame Racine. Manon a accompagné sa maîtresse jusque chez madame de Grand'maison. Toutes les dames étaient là, sur le balcon, pour voir passer les invités. Elles en ont eu du plaisir ! Elles en ont dit des plaisanteries !

III.

Angélique se jeta en arrière dans sa chaise, d’une façon un peu nonchalante.

— Continuez, dit-elle, nommez-moi les équipages qui ont passé. Peu m’importe avec quels yeux vous les avez vus… les vôtres ou ceux des autres.

— Eh bien ! d’abord, comme de raison, il y avait les Brassard. Leurs filles étaient mises comme des duchesses. Elles avaient tout à fait oublié le vieux