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LE CHIEN D’OR

mains s’étendaient vers eux avec des coupes pleines jusqu’au bord. De Péan buvait peu.

— Il faut que je garde ma tête, fit-il, car j’ai une revanche à prendre, cette nuit.

Le Gardeur ne refusa rien, but avec chacun et de toutes les liqueurs. Il entra ensuite dans une chambre vaste et bien meublée, où maints gentilshommes, assis à des tables couvertes de tapis, jouaient aux cartes et aux dés. Des tas de papier-monnaie passaient d’une main à l’autre, sans cesse, et sans paraître affecter l’indifférence des joueurs, à la fin de chaque partie, ou après chaque gageure.

Le Gardeur se plongea tête baissée dans le torrent de la dissipation. Il joua, but, parla argot et jeta toute réserve aux quatre vents !

Il doublait l’enjeu, et amenait les dés d’une façon insouciante, comme s’il se fut autant moqué de perdre que de gagner.

Il criait plus fort que les autres. Il embrassa de Péan en l’appelant son meilleur ami, et de Péan le lui rendit en le proclamant le roi des bons lurons.

VI.

De Péan suivait avec une maligne satisfaction les progrès de l’ivresse chez Le Gardeur. S’il paraissait se relâcher, il lui proposait de boire à la meilleure fortune, et s’il perdait l’enjeu, de boire en dépit de la mauvaise fortune.

Mais laissons tomber un voile sur l’odieuse taverne de Menut. Le Gardeur, complètement ivre, avait roulé à terre, et des serviteurs complaisants l’avaient porté sur un lit où il dormait d’un sommeil de plomb, profond et affreux comme la mort ! Son regard était fixe et vitreux comme le regard d’un mourant, sa bouche s’entrouvrait, toute frémissante encore des baisers chastes de sa sœur, ses mains pendaient, fermées et rigides comme les mains d’une statue.

— Il est à nous, maintenant ! dit de Péan à Cadet,