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le chien d’or

ment maîtrisée, quelques mélodies simples et douces comme ses passions. Puis, elle chanta, dans le dialecte Provençal, une chanson pleine de tendresse et de mélancolie, qu’elle avait elle-même composée.

Il y eut un silence profond. Les joueurs de cartes eux-mêmes laissèrent, pour l’écouter, leur partie inachevée. C’était comme la voix d’un esprit qui aurait chanté dans le langage des hommes. Elle avait fini, et l’on écoutait encore ces dernières vibrations pleines de suavité qui mouraient lentement sur ses lèvres tremblantes et sur les cordes sonores de la harpe.

IV.

Les hôtes se retirèrent et ceux qui restaient formèrent un cercle devant le foyer. C’était la famille qui se resserrait dans une union plus intime, pour les confidences nouvelles, pour les épanchements sacrés.

Madame de Tilly s’était mollement enfoncée dans son grand fauteuil, et de son bras elle enveloppait affectueusement Amélie, assise sur un tabouret, à ses pieds. Elle invita Philibert à raconter ses voyages, ses études, sa carrière militaire, et le brave colonel répondit avec une extrême bienveillance et une grande modestie à sa curiosité.

Puis chacun se mit à faire des projets pour le lendemain, et pour les jours suivants. Des courses à cheval jusqu’aux seigneuries voisines ; des promenades dans le parc et le domaine pour herboriser ; des parties de pêche et de chasse ; des visites aux amis, et surtout une excursion au petit lac de Tilly. On établirait pour toute une journée une colonie dans la petite île ; on dresserait des tentes ; on choisirait un gouverneur, un intendant peut-être, même un roi et une reine, et l’on oublierait le monde jusqu’au retour au manoir. Tous ces projets, comme des trames ourdies de fils d’or, serviraient à enlacer Le Gardeur.