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LE CHIEN D’OR

— Pauvre Le Gardeur ! soupira Félix Beaudoin, essayez de le retenir ici, mademoiselle ! essayez !…

II.

Amélie fut attristée de cela. Sa vive allégresse de tout à l’heure s’envolait déjà. Elle se mit à la poursuite de son frère, dans le jardin, et elle l’aperçut bientôt qui marchait à grands pas. Il avait l’air fâché et de sa cravache il décapitait les passe-roses et les dahlias qui bordaient les allées.

Il portait son costume d’écuyer et attendait le groom avec son cheval.

Elle courut à lui, l’enchaîna de ses deux bras et, le regardant avec douceur, lui dit :

— Le Gardeur, ne va pas au village maintenant, attends-nous.

— Ne pas aller au village maintenant ? et pourquoi ? je reviendrai pour le déjeuner. Je n’ai pas faim cependant. J’espère qu’une petite course à cheval me rendra l’appétit.

— Attends après le déjeuner ; nous irons tous ensemble à la rencontre des amis qui doivent venir nous visiter ce matin. Héloïse de Lotbinière, notre cousine, vient pour vous voir, Philibert et toi. Il faut que tu sois ici pour lui souhaiter la bienvenue. Les galants sont bien rares ici, et il serait mal à nous de laisser partir le plus beau en cette occasion.

Un combat terrible s’engageait dans l’âme de Le Gardeur entre le devoir et la passion. Il se sentait invinciblement attiré par l’amorce du plaisir, et il craignait de désoler sa sœur.

Amélie le tenait toujours, le regardait en souriant, lui disant cent choses aimables. Elle voulait venir à bout du démon qui le tentait. C’était la lutte de l’ange contre l’esprit du mal. Une pareille affection ne pouvait pas être vaincue : elle devait triompher.

— Chère enfant, s’écria tout à coup, Le Gardeur, je ne suis pas digne de toi !

Et il l’embrassa tendrement. Il avait des pleurs dans les yeux.