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du vieux temps

Juifs placèrent sur le front de Jésus-Christ, et, en cela, nous sommes d’accord avec les Anglais, chez qui cet arbuste porte le nom de Christ’s thorn. — Consacré par le sang d’un Dieu, c’en est bien assez pour qu’on lui attribue de merveilleuses propriétés.

Nos paysans croient que l’aubépine n’est jamais frappée de la foudre[1] et qu’elle a le pouvoir, ainsi que le buis, de détourner les maléfices et de porter bonheur ; aussi les personnes prudentes ont-elles soin d’en cueillir le premier rameau qu’elles trouvent fleuri et de le placer dans les combles de leur maison pour la garantir du tonnerre ; aussi les jeunes gens de nos villages, quand vient le mois de mai, le mois où fleurit l’aubépine, s’empressent-ils d’en arborer d’énormes touffes, entrelacées de rubans, à la porte de leurs blondes ou amoureuses[2]. C’est ce qu’ils appellent planter le mai, car nous donnons à l’aubépine le nom du joli mois où sa fleur s’épanouit[3]. Enfin, dans quelques-unes de nos localités, ainsi qu’en Champagne, les bergères portent souvent dans les champs un rameau d’aubépine, persuadées qu’elles sont que cela suffit pour les protéger contre l’enfer et ses suppôts[4].

Cette influence protectrice de l’épine blanche n’était pas ignorée des anciens. Diogène Laërce, dans la Vie de Bion, Ovide, dans ses Fastes, nous apprennent que l’on attachait des rameaux de cet arbuste aux portes des maisons pour en éloigner les chagrins, les maladies et les sortilèges :

Sic fatus, virgam qua tristes pellere posset
A foribus noxas, hæc erat alba, dedit…
Virgaque Janalis de spina ponitur alba…

(Liv. VI, v. 130 et 166 des Fastes.)

  1. Voy. ce que dit Pline de la foudre et de l’aubépine, liv. XV, ch. 17.
  2. Voy. liv. IV, ch. ii, l’article : Mariage.
  3. Voy. liv. V, ch. IV, dicton XXII.
  4. Mémoires de l’Académie celtique, t. II, p. 212.