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certains, du Groenland à la Terre de Bafin, par exemple. Leurs navires étaient sûrement fort bien construits, mais actuellement avec les meilleurs voiliers, les durées données par les Sagas seraient encore considérées comme très supérieures aux plus beaux records dans les meilleures conditions.

Elles sont exprimées en « doegr ». Or, on n’est pas d’accord sur la valeur de cet étalon de mesure. On n’est même pas très sûr du système dont il dérive, mesure de longueur ou mesure de temps. Les uns y voient la valeur du degré à la latitude du Labrador, d’autres une valeur de longueur fonction du mille, mais d’évaluation fort variable, d’autres enfin estiment qu’il représente une durée de douze heures, d’autres de vingt-quatre heures.

Nous avons donné plus haut (première partie), l’opinion de M. Hovgaard à ce sujet. Cette opinion laisse place à une large interprétation et elle est, je crois, très judicieuse. Il ne faut pas oublier que nous avons à faire à des marins qui ; dans la plupart des cas, comptent en journées de voiles ou de rames. Le « doegr » pourrait donc correspondre à ce que nos marins appelaient autrefois « un jour de mer ». D’ailleurs, dans un passage, on trouve le mot « dag » employé exactement dans le même sens que a doegr ». Le « jour de mer » est une mesure assez variable et qui ne peut prendre une valeur que dans une moyenne, établie sur un certain nombre de journées, ou dans des cas particuliers, lorsque par exemple, les conditions nautiques et la force du vent sont connues.

En l’occurrence, il semble que les scribes ont mal recopié les chiffres qui sont matériellement sans rapport vraisemblable avec les longueurs des trajets effectués. Il est possible que les vieux manuscrits aient été difficilement lisibles et que la tradition ait déformé les chiffres. Les scribes, dans leur ignorance de la géographie et de la navigation, ne purent trouver aucun correctif. Il semble qu’aucun d’eux ne pouvait avoir notion de la largeur du détroit de Davis, ou de la longueur des côtes du Labrador, complètement perdues de vue au moment où ils transcri-