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Page:Langlois - La decouverte de l'Amerique par les Normands vers l'an 1000. Deux sagas islandaises, 1924.djvu/16

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INTRODUCTION

n’avait plus assez de vigueur pour pénétrer dans le lointain Nord.

Et en vérité, il n’y a point lieu de trop le regretter. La fraîcheur de ces Sagas n’eût peut-être point résisté au souffle du « classique », Elles auraient perdu sans doute une bonne partie de cette originalité et de cette couleur locale qui en forment le charme principal.

Les populations rêveuses du Nord, sans être ce qu’au sens latin on pourrait appeler des poètes, goûtaient fort les vers ou la prose scandée, le chant, la musique et surtout ces récits qu’on dit à table ou à la veillée. Les guerriers, cultivateurs, marins ou marchands se complaisaient aux épopées théogoniques ou mythologiques, et par dessus tout, ils aimaient les longues et copieuses histoires d’aventures de leurs ancêtres, de leurs contemporains, voire les leurs propres.

C’étaient le grand régal pendant les banquets chez les « Jarls »[1], tout aussi bien qu’autour du « pot » à la chaumière, pendant les longues veillées d’hiver, au bruit lugubre des éléments déchaînés de ces climats du Nord.

Les « Scaldes »[2] les récitaient à la prière des convives. Leur manière ressemblait assez à celle de nos troubadours, mais troubadours tout en force et en énergie guerrière, parfois brutale. Leurs auditeurs, rudes Vikings, se fussent sans doute mal accommodés des mièvreries des cours d’amour. Il faut donc s’attendre à y trouver plutôt le chant violent dans la tempête, la bravade héroïque aux vagues furieuses des mers proches du pôle, un relent de sang et d’incendie.

Ces scaldes étaient eux-mêmes souvent de redoutables guerriers, comme ce Thormod qui mourut en chantant, au soir d’une bataille, ou ce Kormak, aussi célèbre comme champion[3] que comme diseur.

Le plus souvent, ils s’attachaient à un clan, à une famille

  1. Titre de noblesse ancien de la Scandinavie, « Earl » en Angleterre ; en quelque sorte « comte » chez nous.
  2. Nom qu’on donnait aux troubadours nordiques.
  3. Titre correspondant à celui de chevalier tenant de notre moyen âge.