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les Skroelings, les compagnons de Karlsefni, était peut-être simplement un engin dont on connaît des similaires dans certaines tribus indiennes, si l’on en croit Schoolcraft.

L’unipède est plus extraordinaire, sous l’influence des contes qui se disaient à l’époque, surpris, fatigués, les compagnons de Karlsefni ont pu prendre pour un unipède, un Indien avançant par bonds ou ayant une partie du corps cachée ou camouflée. C’est peut-être aussi une interpolation issue des contes du moyen âge. L’argument n’est pas d’ailleurs de nature tellement importante qu’il puisse faire douter même de cet incident de voyage.

L’allusion au Huitramanaland et aux hommes blancs, dont auraient parlé les enfants indigènes pris pendant le voyage de retour de Karlsefni quelque part sans doute sur la côte de Terre-Neuve ou du Labrador, est beaucoup plus naturelle. Je n’entends pas parler ici du Huitramanaland (pays des hommes blancs) en lui-même, c’est un produit sans doute très postérieur à la découverte du Vinland, mais il semble possible de démêler sans cela, ce à quoi les jeunes Indiens ont fait allusion.

Ces hommes vêtus de blanc qui suivent des bannières chantant et qui vivent dans un pays en face, au delà de la mer, c’est un choc en retour, un ricochet. Les indigènes des côtes du Groenland, de Bafin et de Labrador durent connaître rapidement l’arrivée au Groenland d’hommes qui n’étaient pas de leur race.

Une nouvelle aussi sensationnelle dût se répandre comme le font les nouvelles chez les populations primitives, de côte en côte, avec une rapidité dont nous n’avons plus idée. Il n’y a donc rien de surprenant que ces enfants aient entendu parler de ces hommes étrangers. Il a suffi, que plus tard, un scribe ait cru retrouver là une ressemblance avec le conte de Huitramanaland pour amener une interpolation qui ne porte peut-être pas sur le fait, mais seulement sur le mot.

Les Normands, peu habitués aux façons de vivre des Indiens ou Esquimaux, ont pu être épiés, surveillés, sans s’en douter. On sait combien les Indiens excellaient, comme tous les chasseurs