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XXXV
INTRODUCTION

à l’estime. Ce sens leur permettait de retrouver des régions lointaines sur des indications vagues et incomplètes, des descriptions d’aspect de terrains ou côtes, sans l’aide de croquis, de cartes où d’instruments. Entraînés par la bourrasque en plein Océan, dans les brumes de l’Atlantique nord, par la simple observation du vent et du soleil, grâce à ce flair, ils retrouvaient leur route même vers des contrées presque inconnues. Ce sens on le retrouve encore, quoique bien affaibli, chez nos pêcheurs côtiers.

Lorsqu’il était en défaut, le manque de connaissances scientifiques ne leur permettait pas de se répérer, et c’était le hasard qui menait l’aventure. Ainsi s’expliquent bien des erreurs et bien des légendes. De là, ces rumeurs, qui circulaient dans les foyers de marins, de terres entrevues entre deux tempêtes on ne savait au juste où. Mais les survivants en parlaient au retour, et l’imagination y poussant, elles se transformaient en des pays mystérieux, des contrées de tous les bonheurs ou de toutes les horreurs. Pays mythiques que les découvreurs, dans la souffrance ou la fièvre du moment, étaient incapables de situer et moins encore de retrouver.

La genèse de la découverte du Groenland sortit d’une aventure de ce genre. Un marin, Gunnbjorn, drossé par les ouragans, avait aperçu dans l’Ouest de l’Islande des îles inconnues. Rentré au port, sain et sauf, il avait raconté sa découverte.

De là aussi, ce mélange de contes fantastiques ou de légendes, à fond de vérité, peut-être, qui emplissent le moyen âge : les îles de Brasil, d’Antilia que chercha Colomb, les Sept-Cités, de Saint-Brandan, et tant d’autres. Légendes si tenaces qu’elles vécurent longtemps, même après que l’exploration de l’Océan fut achevée.