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l’équipage quand il descendait à terre, ce qui était fréquent en cours de croisière. Ce sont peut-être ces piquets de tente qu’on appelait des « husanostra ». On verra que Karlsfeni vendit les siens en Norvège, à son retour du Vinland. À bord, ces tentes étaient placées à côté ou sur les marchandises.

On ne faisait point de cuisine en mer. L’équipage, et éventuellement les passagers se nourrissaient de beurre, de fromage, de poisson sec et de pain. La question de l’eau devait être importante, par suite de l’exiguité des endroits où les tonneaux pouvaient être logés à l’abri des embruns.

Le navire traînait généralement un canot « eptirbatr », qui permettait de descendre à terre et même de faire de petits voyages de découverte. Parfois, un second canot plus petit était hissé sur les marchandises, pendant qu’on faisait la route. Les navires normands, quoique ayant une tenue remarquable en mer relativement houleuse, où leur forme et leur légèreté leur permettaient de s’élever sur la lame, ne pouvaient guère résister au gros temps. Ils chassaient devant le vent, ce qui explique suffisamment les aventures de marins entraînés au loin par la tempête. Il faut bien ajouter aussi que la mer se vengeait de l’audace de ces intrépides marins. Il est souvent question dans les Sagas de gens perdus en mer. La flotte qui accompagna Eirik le Rouge, d’Islande au Groenland, comprenait 25 navires au départ et seulement 14 à l’arrivée au Groenland. Quelques-uns étaient d’ailleurs revenus en arrière.

L’audace des survivants n’en était pas atteinte et pour les aventures les plus osées, on trouvait toujours des volontaires, Si l’on veut bien imaginer ce que représente encore à notre époque la traversée de l’Atlantique nord par nos Terre-Neuvas avec des moyens de tous genres infiniment supérieurs, on peut juger le courage ou fatalisme inconscient de ces Normands pour se lancer à l’aventure sur ces mers mauvaises aux noms sinistres : mare congelatum, mare tenebrosum, etc…

On ne peut guère leur comparer que les Polynésiens, qui eux aussi affrontaient de grandes traversées d’océan avec des moyens relativement faibles et primitifs.