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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/130

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LA PLUS BELLE

Malgré son état, il a voulu se marier l'année dernière… Les parents de la jeune fille s’y sont absolument opposés. On n’épouse pas un malade, Lucette, je te le répète. Vincent est intelligent et sérieux. Il s’est résigné, mais tu devines l’amertume qui demeure dans son âme. Et je crois qu’il ne jouera plus avec le feu.

Lucette cessa de discuter.

Mais elle continuait à croire que sa tante se trompait. Pour une fois, cette femme si intelligente raisonnait mal. Elle méconnaissait la beauté d’un dévouement désintéressé, donnait trop d’importance au côté pratique de la vie, doutait à tort de la possibilité d’une amitié pure.


Les beaux paysages de Percé se voilèrent de mélancolie. En les contemplant, Lucette songeait maintenant à l’ami malade qui ne les voyait pas. De la pitié dont elle l’enveloppait découlait un désir de plus en plus fort de consoler Jean, de l’aimer sans retour.

Cette amitié ne s’était-elle pas nouée d’une façon providentielle ? Lucette se disait qu’une existence valait, non par le bonheur atteint, reçu, mais par celui que l’on dispense. Cette soif de dévouement était cependant née à son insu, de son ancien désir d’être aimée, à l’époque romanesque de ses quinze ans. Lorsqu’elle avait écrit