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et sobre. La lune de miel finie, sa femme aurait cruellement souffert. Tout est pour le mieux, va…

L’indignation tirait Claire de son mutisme accoutumé. Elle s’emballait, parlait soudain usant d’adverbes au superlatif, de mots violents. Tout ce qu’habituellement elle renfermait en elle d’impressions vives, de rêveries concentrées, s’exprimait enfin. Puis, fatiguée de l’entêtement de Lucette à trouver tout pour le mieux, Claire se replongeait dans le silence, et Monique et Lucette continuaient seules la conversation. La blonde Claire repartait pour le pays des félicités ou des malheurs extrêmes, le monde des paysages extraordinaires. La bouche relevée d’une drôle de petite moue, ses yeux bleu pâle voilés, Claire, lentement, de nouveau marchait dans la lune.


Nicole Lafricain et Lucette Duhamel, habitant la même rue, faisaient route ensemble. Nicole était la plus sage des quatre et Lucette, la plus exubérante. Quoiqu’elle ne fût pas la plus âgée, Nicole invariablement s’affirmait la plus sérieuse, la plus posée, l’esprit le moins chimérique. À seize ans, le jugement formé, le caractère résolu, sa discrétion, sa prudence, la distinguaient de ses compagnes. Son brun visage, quand elle riait