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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/40

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LA PLUS BELLE

émues. L’une s’appelait Ghislaine, nom romanesque et magnifique. Comment songer sans pitié à leur effroyable sort ? Un moment, elles regardèrent en silence le grand château gris. Oui, là aussi, la douleur avait frappé. La douleur n’épargnait personne ? Mourir dans l’enfance, quel irréparable malheur ! On tendait encore les bras vers de si émouvantes félicités.


Cet hiver-là, Claire porta sa première robe longue. C’était une robe d’éolienne bleu nuit, égayée de minuscules boutons de verre jaune. Elle releva ses cheveux blonds, légers et flous, autour de son visage au teint très blanc.

Quand Lucette aperçut Claire, elle fut surprise de la trouver si jolie, malgré le nez retroussé, la bouche un peu grande. La peau fraîche, sans plis, les joues roses, les yeux bleus si purs qu’ils étaient comme neufs, le corps gracile et l’élégante toilette de jeune fille masquant les attitudes encore enfantines, tout accusait un charme nouveau, indiquait l’unique changement : Claire s’était dépouillée de sa chrysalide.

— Que tu es heureuse, Claire…

Mais en avril, Lucette à son tour eut dix-huit ans. Il lui sembla que jamais ne s’évanouirait le souvenir de ces jours glorieux. Elle étrenna pour Pâques un ravissant tailleur marine, un chapeau